mercredi 28 novembre 2007

l'atelier d'Elisabeth

Hier 27 novembre j'ai eu la curiosité d'entrer la requête "Rohmer nombre d'or" sur Google, ce qui m' a permis de constater que de nouveaux sites ou blogs citaient mes recherches, et que, indépendamment, un critique de cinéma trouvait des cadrages d'or dans le récent Rohmer.
J'ai été surtout stupéfait d'une page cataloguant divers livres scientifiques, parmi lesquels, dans la même collection, un livre co-écrit par Elisabeth Rohmer, et Le nombre d'or, suite de deux essais de Marguerite Neveux et de HE Huntley.
J'ai conté ici comment, le 18 septembre dernier, j'ai lu l'unique roman d'Eric Rohmer, jadis publié en 1946, qu'il a jugé bon de rééditer en juin dernier, La maison d'Elisabeth, et ai été stupéfait d'un nom propre page 144 :

C'est que mon billet Oncle et Neveux évoquait le livre de Marguerite Neveux, où je m'étonnais que sa thèse du faible impact du nombre d'or dans la peinture française n'ait pas fait mention de mon oncle, Jean Souverbie, académicien, ayant toute sa vie affirmé sa foi en cette "Sainte Mesure", pour reprendre l'expression de son maître Maurice Denis.
Ainsi Rohmer, peut-être un autre contaminé par la fièvre de l'or, me renvoyait le nom de Marguerite Neveux, par hasard puisque l'historienne de l'art n'était pas née lors de l'écriture du roman d'abord paru sous le titre Elisabeth, et voici que la collection où est paru le livre de Marguerite Neveux, en inédit sous le n° 108, renvoie le nom Elisabeth Rohmer, co-auteur du n° 105:

Si seul le nom d'Abraham Moles apparaît sur la couverture, il suffit d'aller consulter sa bibliographie pour savoir qu'il est écrit en collaboration avec Elisabeth Rohmer, sa femme (aussi nommée Elisabeth Rohmer-Moles).

Une curiosité supplémentaire est que j'avais deux oncles parisiens, l'oncle Jean qui habitait l'Institut, et l'oncle Maurice qui habitait bd Magenta.

Comme je l'écrivais dans la page précitée, j'ai été complètement imperméable à ce que Rohmer avait pu vouloir dire dans ce livre, et je n'ai notamment pas compris ce que cette couturière venait faire dans l'histoire (pour autant qu'il y en ait une). Il n'est aucunement question de cette visite auparavant, aucun écho n'y sera donné ensuite.

J'ai fait part de ce nouvel incident à ma précieuse amie dp, dont l'immense érudition s'est encore révélée indispensable. Il a existé une "couturière des lettres", Marguerite Audoux, prix Femina en 1910 pour son roman largement autobiographique, Marie-Claire, best-seller de l'époque. Cette Marguerite, née Donquichote, a donné une suite à ce succès en 1928, L'atelier de Marie-Claire.

Ceci expliquerait-il pourquoi Rohmer a republié son Elisabeth de 46, signée Gilbert Cordier, sous le titre La maison d'Elisabeth ? Ce serait au moins une piste à creuser, sans écarter l'idée que ce pourrait être une coïncidence analogue à l'imbroglio Neveux-Rohmer.

De la couturière au cordier, il y a tout de même un fil conducteur, sinon une ficelle un peu grosse. Et la popularité du roman Marie-Claire est pour quelque chose dans le choix du nom du magazine Marie-Claire, apparu en 1937, qui connaîtra en 1967 un produit dérivé, La Maison de Marie-Claire...

Curieux, mon billet précédent m'avait amené au Grand Prix des lectrices de Elle, et me voici entre Marie-Claire et le prix Femina. Ce n'est pas le seul point commun que je vois avec ce billet où j'évoquais la fantastique coïncidence des 216 lettres de 3 versets bibliques de 72 lettres chacun, cités page 216 du Zohar, à l'origine des 72 anges de la Kabbale, aux noms formés de combinaisons trilittères de ces 216 lettres suivies d'un suffixe en 2 lettres, soit en tout 216+144 = 360 lettres pour les 72 anges. Sans connaître ces détails, Bernard Werber a réussi à énumérer une partie de ces anges dans la section 216 de ses Thanatonautes, laquelle débute page 360 de l'édition en poche...

J'avais remarqué la page 144 de La maison d'Elisabeth, où apparaît Marguerite Neveux, non à cause de cette coïncidence dont je ne savais rien alors, mais parce que je connaissais déjà diverses curiosités concernant les pages 144 de plusieurs ouvrages, la plus extraordinaire étant dans le troisième volume de l'édition Musica Budapest d'un choix de 200 sonates de Scarlatti, édition de référence par ses multiples qualités. Voici un extrait de la table de ce 3e volume:

La 144e des 200 sonates débute page 144, d'accord, mais cette sonate est mieux identifiée par ses numéros dans les deux grandes classifications de l'oeuvre de Scarlatti, Longo et Kirkpatrick, soit L.288 = 2x144 et K.432 = 3x144. Il existe une autre classification, chronologique comme la dernière en date de Kirkpatrick, peu utilisée aujourd'hui, et le numéro de la sonate selon cette classification Pestelli est P.288 = 2x144...

J'ai choisi le titre de ce billet avant de l'écrire, avant d'explorer en détail les résultats de la recherche "Rohmer nombre d'or". Parmi la quarantaine de pages francophones, l'une des dernières vient du blog du psy Roland Léthier, où les deux termes de la recherche sont réunis par hasard, parce qu'un billet parle d'Elli Medeiros, qui a fait la musique d'un Rohmer, un autre du Corbusier. Il se trouve que j'ai rencontré sa femme, Elisabeth Léthier, qui n'est pas une "couturière des lettres", mais une "brodeuse de lettres": elle a brodé les hétérogrammes de Perec, notamment ceux de La Clôture comptant chacun 144 lettres.

La seule page mentionnant cette Elisabeth Léthier est sur mon site, j'y montre une de ses créations. M'apercevant que Léthier (nom qui pourrait être une déformation de luthier selon mon dictionnaire, ce qui n'est pas loin de cordier) est à une lettre près l'anagramme d'atelier, je lui dédie tout naturellement ce billet.

lundi 26 novembre 2007

à tire d'Elle

Mon dernier billet commencé le 10/10 n'a été mis en ligne que le 24/11, parce que ce billet m'a conduit à de multiples rebondissements relatés sur mon site.
Le foisonnement de ces rebondissements et la complexité de certains d'entre eux rendent ces pages assez ardues à lire, aussi j'ai décidé d'en résumer quelques points ici.

Un mois après, je suis toujours ébahi d'avoir découvert à 15 jours de distance les clés de deux best-sellers parus 10 ans plus tôt, en 1997. Je ne prétends aucunement être le premier à avoir vu ces clefs, mais je n'en ai trouvé aucun écho sur la toile.
Le 8 octobre, je me suis donc aperçu que les 4 scénaristes de Saga, la série TV imaginée dans le roman homonyme de Tonino Benacquista, Mathilde-Marco-Louis-Jérôme, avaient les mêmes initiales que les 4 évangélistes, Matthieu-Marc-Luc-Jean, et que cette lecture éclairait de nombreux points du roman.
Le 23 octobre, désireux de lire du Bernard Werber, je n'ai trouvé en rayons à ma bibliothèque que La Révolution des fourmis, déjà lu peu après sa parution, mais sa relecture m'a révélé une extraordinaire architecture. Une caractéristique de l'écriture de Werber est l'entrelacement de plusieurs récits, en courts chapitres ou sections, ici 3 (les histoires de Julie, Maximilien, 103 683e) plus les sections encyclopédiques. Il arrive que les récits se croisent, mais le passage d'une section à l'autre n'est jamais totalement abrupt, le passage s'opérant par une situation ou une expression identique. L'à-propos de ce lien est souvent gratuit sinon contestable, mais La Révolution offre un autre type d'échos, circulaire précisément, sa première section s'intitulant 1-Fin et sa dernière 245-Début; puis les noms des paires de sections symétriques 2-244, 3-243, 4-242, etc., sont identiques... Le plus excitant est que cette règle de symétrie, pourtant constante tout au long du livre, admet diverses modalités comme de nombreuses exceptions, ce qui m'a conduit à y chercher du sens...
...et à en trouver, au-delà de mes espérances. Ainsi je vis les deux parties centrales du livre, totalisant 62 et 71 sections, correspondre aux valeurs numériques des prénom et nom de l'auteur, selon l'équivalence ordinale a=1, b=2, etc., justement donnée dans une section du roman. Et puis ma marotte le nombre d'or, également évoqué dans plusieurs sections, semblait structurer les différentes parties..., et..., mais je détaille mes trouvailles dans le texte Rewerberations.

Je me suis aperçu après coup d'un autre point commun entre Saga et La Révolution des fourmis que l'année de parution. Saga a obtenu en 1998 le Grand Prix des lectrices de Elle, que Werber avait obtenu en 1993 pour le second volet de la trilogie des Fourmis. Je lis également une structure palindrome, d'un autre type, dans ce Jour des fourmis, par les nombres de sections de ses 6 parties, et encore un autre type de palindrome pour l'ensemble des 3 volets de la trilogie, en 4-6-4 parties, et je m'amuse que ce prix ELLE, nom palindrome, ait échu au volet médian de la trilogie...

J'ai expliqué ici que c'est vraisemblablement l'immatriculation d'un véhicule allemand, en MA-RK, croisé pendant la lecture de Saga, qui m'a permis d'homologuer les 4 scénaristes aux 4 évangélistes.
Une autre coïncidence m'a fourni le moyen d'interpréter le nom de l'héroïne principale de Werber, la fourmi 103 683e. Evoquant le nombre d'or, je l'ai donné avec ses 6 premières décimales, soit 1,618033, occasion de m'apercevoir que ces 6 décimales 61 80 33 correspondent aux 6 chiffres 103 683, et qu'il était facile de passer de l'un à l'autre comme l'illustre le dessin ci-contre.

Le 3 novembre à Porquerolles, j'ai rencontré Bernard Werber qui a écouté avec intérêt et amabilité quelques-unes de mes supputations sur son oeuvre, mais qui a réfuté l'intentionnalité de la plupart de mes hypothèses. Bien entendu la structure palindrome n'est pas remise en cause, mais il ne semble pas devoir chercher beaucoup plus loin.

Je commence à avoir une certaine expérience des dénégations des auteurs confrontés à mes analyses de leurs oeuvres, et je les classe en deux catégories:

  • ce qui peut s'expliquer par des processus inconscients, par exemple le cas de la fourmi 103 683e, puisque Bernard connaît fort bien le nombre d'or, du moins ses 6 premières décimales, données dans La Révolution des fourmis (et la 7e, mais avec une erreur !)

  • ce qui ne peut pas, et pourrait donc concerner l'Ultime Secret, pour reprendre un titre de Werber, lorsque les coïncidences sont significatives.

Ainsi Bernard m'a certifié qu'il ignorait une curiosité de la Bible hébraïque à l'origine de développements théurgiques: 3 versets consécutifs de l'Exode ont chacun 72 lettres, et de ces 216 lettres la Kabbale a tiré 72 mots codés de 3 lettres, ensuite complétés par des suffixes théophores pour former 72 noms d'anges, tous en 5 lettres. A ces curiosités de départ s'ajoutent plusieurs coïncidences convergentes, détaillées ici:

  • Le premier texte donnant le code de 216 lettres est le Zohar, à la page 216 de l'édition qui sert de référence.

  • Werber énumère 26 des 72 anges dans ses Thanatonautes, et il le fait à la section 216.


  • Cette section 216 débute page 360 de l'édition Livre de Poche du roman (les noms hébraïques des 72 anges issus des 216 lettres comptent en tout 360 lettres).

    • Parce que je n'imaginais pas que le second point ait pu être fortuit, je n'avais pas songé à rapprocher le fait d'une expérience partagée avec mon ami Jean-Pierre Le Goff, évoquée dans un billet récent: le 26 novembre 2002, il est allé à Thoard, près de chez moi, pour y calligraphier sur un rouleau de papier une suite logique de 26 opérations sur le nombre 216, dont voici deux exemples, de sa main:

      On pourra se reporter ici pour apprendre la logique sous-tendant ces opérations.

      Plus je lis Werber, plus j'y vois d'échos avec les préoccupations de Le Goff, qui sont pourtant très variées. Ici sont en jeu les motifs tapis dans les suites de chiffres, présentement des circularités, vues aussi chez Werber avec la circularité des décimales 142 857 des divisions par 7, par exemple. Le Goff joue également avec les permutations circulaires de mots, comme le T-REFLE devenant REFLE-T, ou la CART-E devenant E-CART, or c'est précisement ce jeu TREFLE-REFLET qui a motivé (avec "carreau") les dénominations des 4 parties de La Révolution des fourmis, par les 4 couleurs des cartes, homologuées aux saisons, autre circularité, autre révolution...

      J'aboutis enfin où je voulais en venir, ce qui a été bien plus long que je l'imaginais au départ, avec ce véhicule à l'immatriculation décisive, MA-RK, croisé le surlendemain du jour où j'ai vu Pi, film où l'obsédant nombre 216 m'a poussé à approfondir la bizarrerie rencontrée jadis dans les Thanatonautes, et les 26 anges de la section 216 m'ont mené aux 26 opérations sur 216, à Thoard; c'est le lendemain de cette intervention que j'ai ramené Le Goff au train, en lui parlant du nombre d'or dans un poème de Perec, et c'est alors qu'il m'a signalé un panneau NOMBRE D'OR sur le bord de la route. Nous apprîmes ensuite qu'il s'agissait du nom d'une maison d'abord appelée Ayguelune, or le poème de Perec était composé pour le mariage de son amie Kmar, qui signifie "lune" en arabe, et K-MAR se permute circulairement en MAR-K.

      mercredi 10 octobre 2007

      formath

      Un commentaire de ce blog m'a appris que le site vidéo YouTube offrait de nombreux extraits de films de Rohmer, entre autres.
      Il y avait un certain temps que je n'avais pas visité YouTube. Après avoir exploré les ressources Rohmer, j'y reviendrai, j'ai eu l'idée de chercher Pi, de Darren Aronofsky, pour découvrir qu'on pouvait visionner le film intégralement, en 4 parties (+ le générique de début).
      On m'avait déjà parlé de ce film à sa sortie, et il m'intéressait au premier chef depuis juin où mes recherches sur le format d'or m'ont appris qu'il s'agissait du seul film effectivement voulu à ce format par son réalisateur. Je projetais de me faire offrir le DVD, en prévoyant cependant que, puisque le format cinéma 1.66 (plus exactement 5/3) devient 1.614 (proche du format d'or 1.618) lorsque visionné sur DVD, il y avait de fortes chances pour que le format d'or cinéma devienne sur DVD proche de 1.57 (par simple règle de 3), ce qui aurait été amusant puisque 1.57 est la moitié de 3.14, l'approximation courante de Pi...
      Mais le sort a encore frappé, et la version donnée par YouTube n'est ni en 1.618, ni en 1.57, mais en 1.33, ou 4/3, le format de la fenêtre standard d'affichage de 114x85 mm.
      Ainsi un cercle n'est plus très rond dans ce Pi, comme en témoigne cette image de la troisième partie, choisie parce qu'elle apparaît aussi dans la bande-annonce, qui figure à plusieurs reprises parmi le catalogue de YouTube.



      Celle-ci semble respecter le format d'or original. Elle montre que le sieur tinytimton, responsable de la mise en ligne du film complet (je ne sais ni si c'est légal ni si cette version demeurera longtemps accessible), est parvenu au format 1.33 par deux opérations: rognage des deux bords de l'image et étirement dans la hauteur.

      Je n'ai pas décelé de possibilité de mise en application de la section d'or dans la durée du film, mais il y est question du nombre d'or à plusieurs reprises, comme ci-contre avec ce croquis de la spirale d'or inscrite dans une série de rectangles d'or (qui n'en sont pas puisque l'image a été déformée).

      Je ne vais rien dire de plus ici du film lui-même, lequel a ses curiosités propres que j'étudie ici.

      Je m'attacherai à relier ma vision de Pi, au format 1.33 au lieu du format d'or désiré, à celle de Pauline à la plage le 6 juin dernier, le film que j'ai découvert avec stupeur au format d'or, alors que la pochette du DVD indique un format 1.33.
      J'ai expliqué qu'en fait tous les films au format 1.66 apparaissent à un format presque doré visionnés sur DVD, mais que Pauline avait un statut tout à fait particulier, sinon unique, puisque c'est un film tourné originellement au format 1.33 mais reformaté en 1.66 pour son édition DVD.

      Je croyais avoir élucidé ici les modalités de ce reformatage, par rognage du haut et du bas de l'image et étirement dans la largeur, soit des opérations similaires (mais inverses) à ce qui se passe pour Pi, mais je m'étais fié à une image 1.33 trouvée sur le site d'Arte, or cette image n'était pas issue directement du film, elle avait été reformatée, d'où mes déductions étaient erronées.

      YouTube permet de visionner l'extrait concerné de Pauline, au format 1.33 originel. J'ai choisi une image un peu plus loin dans la scène, où Pauline, après avoir accepté les caresses de Sylvain sur son genou, se rebiffe quand il tente de l'enlacer:

      A gauche la fenêtre de YouTube, à droite la fenêtre de mon logiciel de lecture de DVD. J'ai tenté au mieux de mettre les images au même format et de les aligner, ce qui permet de constater qu'il n'y a eu aucun élargissement anamorphique de l'image comme je l'avais supposé. C'est en fait plutôt un léger rétrécissement en largeur que j'observe, peut-être la conséquence du passage de 1.66 au format observé.

      Telle est la force de la suggestion que, après m'être "démontré" (faussement) cet élargissement, je voyais clairement les acteurs de Pauline outrageusement épaissis. Telle est la puissance du hasard que j'ai mieux approché la question le 7 octobre, 4 jours après une curieuse diffusion d'un reportage sur Rohmer où Pauline ressemblait effectivement à une nageuse est-allemande.
      Les 3 et 4 octobre à 14 h, Arte diffusait en deux parties Preuves à l'appui (rien à voir avec la série de TF1) où Rohmer avait consenti en 1993 à disséquer ses films.




      J'ai regardé cela sur mon ordi, grâce à la visionneuse de mon fournisseur neuf.cegetel. Si tout était normal le 4, le 3 la première partie du docu était dans un format inédit d'environ 2.25, que j'ai recadré sur Pauline ci-dessus.
      Et Rohmer dans son commentaire de cette image remarquait que son actrice avait pris inconsciemment la pose du tableau de Matisse au mur de sa chambre, La blouse roumaine, également caractérisé par certaines disproportions préfigurant peut-être les carrures des athlètes féminines du bloc de l'Est (la reproduction ci-contre respecte en principe le tableau original).
      Le lendemain, il disait un mot des formats, en déclarant sa préférence pour le 4/3 (ou 1.33), parce qu'il aimait filmer les corps dans leur totalité.


      Arte rediffusait également les 3, 4, et 5 octobre trois des Contes, tous tournés en 1.66 selon toutes les sources. Celui de Printemps le 3 était au même format que le docu précédent (voir ci-contre), celui d'Automne était en 1.33, enfin Conte d'Hiver était au format 1.66 (toujours légèrement réduit à environ 1.62) alors que je l'avais vu à la TV le 27 septembre en 1.33 (sans déformation anamorphique sensible de l'image). Comprenne qui peut...
      Le 3, l'ascétique Rohmer semblait se préparer à remplacer Schwarzenegger pour le prochain Terminator, et la charité commande d'oublier ce qu'était devenu son interlocuteur Jean Douchet, un brin plus replet.


      Il m'a semblé amusant de terminer sur cette image de Pi, déformée dans la hauteur, telle qu'on peut (ou pouvait) la voir sur YouTube.

      Je rappelle que je m'intéresse ici au contenu de Pi.

      lundi 1 octobre 2007

      Thoiry-Odessa

      Depuis mon billet sur Le cuirassé Potemkine, j'ai pu consulter Le film: la forme, son sens, et enfin savoir ce qu'Eisenstein lui-même disait de la structure dorée de son film.

      En gros cette lecture a corroboré mes suppositions. L'essentiel pour Eisenstein était bien un double marquage des deux sections d'or de son film en 5 parties, avec la contre-apogée à la fin de la 2e partie, rappelée au début de la 3e (la veillée funèbre dans les brumes), et l'apogée à la fin de la 3e partie, rappelée au début de la 4e (le hissage du drapeau rouge).
      Chacune de ces parties est conçue en deux sections bien tranchées, "à peu près égales" écrit-il avant d'avoir donné le secret de sa construction, la section dorée. Il donne les points de retournement pour 4 parties, et ce semblant d'égalité ne se vérifie que pour la 2e partie (8'40" et 9'); les premières sections des parties 3 et 5 sont beaucoup plus longues que les secondes; enfin la 4e partie est répartie en 2 sections de 260" et 420", idéal découpage doré qui avait motivé mon billet.
      Rien de ce qu'a écrit Eisenstein ("Je ne calcule rien avec des chiffres"!) ne semble indiquer que ce découpage idéal ait été intentionnel, mais peut-être s'agit-il d'un essai secret, réussi si l'on en croit la célébrité de cette partie, L'escalier d'Odessa, celle où l'opposition entre les deux sections est la plus grande, marquée de plus à la seconde près par l'intertitre "Et soudainement" (ce que précise Eisenstein).
      Si c'est un hasard, il se doublerait de formidables coïncidences avec la suite de Fibonacci, par le nombre de plans de cette partie, 233, leur répartition, et par la structure même de l'escalier, large de 13 m à son sommet et 21 m à sa base, mesures exactement proportionnelles aux durées des deux sections (260/420 = 13/21).
      Au moins les commentaires d'Eisenstein montrent qu'il connaissait la suite de Fibonacci, donnant les meilleures approximations de la section d'or:

      Le fait qu'il se soit arrêté à la fraction 13/21 n'a rien de significatif, car au-delà de celle-ci, équivalente à 0,619 avec 3 décimales, les fractions suivantes formées par les nombres consécutifs de la suite de Fibonacci donnent toutes l'approximation courante à 3 décimales de la section d'or, 0,618.
      Il n'y a rien non plus de significatif à ce que les largeurs en haut et en bas de l'escalier soient en rapport doré: c'est une conséquence quasi obligée du site et de l'illusion d'optique voulue par les architectes de l'escalier. Si la distance de la place centrale d'Odessa au port avait été autre, le rapport entre les largeurs haute et basse de l'escalier aurait été autre (il semble que tout le monde ne soit pas d'accord sur ces largeurs de 13 et 21 m, celles qui étaient données par l'article qui m'a appris cette particularité de l'escalier, et que j'ai rencontrées ailleurs).

      Cette illusion d'optique est souvent qualifiée d'unique au monde. C'est peut-être vrai en matière d'escaliers, mais pas en matière d'architecture en général.
      Ainsi une illusion très voisine se rencontre dans le parc du château de Thoiry, où elle est d'ailleurs aussi qualifiée d'unique au monde...
      Une allée de 510 m prolonge le parterre de 120 m devant le château. Comme l'escalier descendant de la place d'Odessa, l'allée s'élargit pour tromper l'effet de fuite, et les intervalles de plus en plus grands entre les arbres bordant l'allée renforcent l'illusion.
      L'escalier d'Odessa jouait aussi avec la hauteur, les longueurs des paliers ayant été calculées pour que, du haut de l'escalier, seuls soient visibles ces paliers, contribuant à l'effacement de la descente vers le port. De même le château de Thoiry est sis sur une butte, et les pentes ont été calculées pour que, du château, l'allée soit invisible et que la demi-lune au bout de l'allée coïncide avec la demi-lune au bout du parterre.

      Ce serait anecdotique s'il n'y avait aussi du nombre d'or à Thoiry! En effet cette page, que je présume due à Paul de la Panouse lui-même, le châtelain de Thoiry, détaille une architecture secrète extrêmement sophistiquée, à base de nombre d'or et de Fibonacci. Voici par exemple une des nombreuses illustrations accompagnant l'article:Je m'avoue quelque peu dubitatif. Le château a une longueur de 150 pieds et une hauteur de 50 pieds, mesures d'une harmonie immédiate. L'auteur ne trouve un rectangle de Fibonacci 144 par 55 qu'en prenant en compte la hauteur des grandes cheminées latérales, mais en omettant leur épaisseur (ou celle des murs extérieurs). Ce rectangle formé de deux nombres non consécutifs de la suite de Fibonacci serait peu orthodoxe, et le nombre intermédiaire 89 est obtenu d'une autre manière, puis les autres nombres de la suite...
      Ceci pourrait à la rigueur être convaincant si ces mesures étaient rigoureusement exactes, mais divers détails me semblent indiquer que le comte, si c'est bien lui, présente ses comptes avec quelques accommodements favorables à sa thèse. Je n'y insiste pas car, que le nombre d'or ait été ou non présent dans la conception originelle du château ou de ses jardins, il est depuis peu effectivement inscrit dans le parc de Thoiry avec son labyrinthe, achevé en 2004, dont le tracé reprend certains éléments de l'architecture dorée idéale du château selon le comte de la Panouse, le double carré, le pentagone étoilé...
      Voici ce labyrinthe, vu du ciel grâce à Géoportail:

      Ainsi les deux illusions "uniques au monde" sont-elles associées à des créations dorées objectives, le film d'Eisenstein et le labyrinthe d'Adrian Fisher (le spécialiste mondial qui a suivi les directives dorées du comte).
      Ce serait déjà une belle coïncidence, à moins que ces "illusions uniques" ne se multiplient au-delà du raisonnable, ou qu'il en aille de même des créations expressément revendiquées comme dorées, mais ce n'est pas fini. Il y a les curiosités déjà décrites à propos du Potemkine, sur lesquelles je ne reviens pas, et d'autres bizarreries liées aux deux seuls articles sur le nombre d'or que j'ai publiés dans des revues papier, particulièrement intéressantes puisque, étant intimement concerné, je peux en certifier le caractère totalement fortuit.

      En novembre 2002, j'emmenais mon ami JP Le Goff au TGV à Aix. Notre conversation passa par le nombre d'or, sujet d'intérêt commun, et je lui fis part de mes découvertes récentes sur un poème de Perec, Noce, où je détectais des structures basées sur la suite de Fibonacci et où figure l'expression "nombre d'or". Quelques minutes plus tard, Le Goff m'interpella, il venait de lire sur un panneau au bord de la route cette même expression!

      Nous apprîmes ensuite qu'il s'agissait du nom d'une maison cachée dans les arbres, construite par un éleveur de chèvres nommé Moreau. Une requête Google "Moreau nombre d'or" mena Le Goff au château de Thoiry, construit par Philibert Delorme pour le trésorier de Henri II, Raoul Moreau; plusieurs pages mentionnaient une architecture dorée du château et des jardins, mais alors sans plus de précisions.

      J'appris dans le même temps l'existence d'une initiative poétique, dans le cadre de la semaine de la francophonie, consistant à écrire des textes utilisant 10 mots obligatoires: la séquence de ces mots me parut particulièrement adaptée à l'affaire "nombre d'or", et je proposai à la revue Florilège ce texte qui fut accepté. Il parut début mars 03 dans le numéro 110 de la revue, qui comptait exceptionnellement 104 pages pour accueillir son supplément de 34 textes "10 mots".

      J'avais alors remarqué ces nombres 34 (fibo), 110, double de 55 (fibo), et 104, produit de 8 et 13 (fibos). Fin 06 on me communiqua les brouillons de Perec pour Noce; pour chacune des 10 strophes du poème, Perec avait noté les nombres de Fibonacci correspondants, et leurs doubles, soit 34 et 68 pour la strophe 9, 55 et 110 pour la dernière strophe; divers calculs apparaissent par ailleurs sur les brouillons, dont la multiplication 13x8 = 104.

      Bien que ces brouillons démontrent que Perec avait en tête la suite de Fibonacci en composant Noce, ils montrent également qu'il ne semble pas avoir prémédité les diverses structures numériques que j'ai détectées dans son poème! Cette question complexe est étudiée en détail ici.

      Mon texte de Florilège ne mentionnait pas Thoiry, mais un lien vers mon site menait à une page en disant quelques mots, guère plus puisqu'à l'époque les ressources internet ne nous avaient pas permis de découvrir une relation précise entre Thoiry et le nombre d'or. Il fallait aller sur place pour en savoir plus, et Le Goff organisa une intervention à Thoiry fin mars 03. J'y vins, avec quelques exemplaires de Florilège pour les participants. Les circonstances firent que nous ne pûmes visiter le château ce jour, reléguant à bien plus tard (juillet dernier) les précisions sur le nombre d'or à Thoiry, mais ma présence ce jour à Thoiry avec les exemplaires de Florilège dans mon sac fut le départ d'une invraisemblable série de coïncidences relatées ici.

      Début 04 JB Pouy lança une nouvelle revue, Teckel, et me donna carte blanche pour quelques pages. Je décidai de présenter quelques-unes de mes découvertes sur le nombre d'or chez Bach et Perec, débutant par une brève introduction sur les artistes contemporains ayant revendiqué son utilisation, notamment Eisenstein pour le Potemkine. Lorsque Teckel parut, je découvris qu'un autre auteur avait parlé du Potemkine, pour sa scène clé de l'escalier d'Odessa que je présumais alors être à la section d'or du film, et que cette mention survenait à l'exacte section d'or des 96 pages de la revue. Ce n'était encore que la première d'une série de coïncidences détaillées ici.