J'ai exploré dans le billet précédent les occurrences du nombre 813 dans 4 films consécutifs de Truffaut (du tandem de réalisateurs-scénaristes Truffaut-Richard pour être exact), de 63 à 67, en prenant pour hypothèse que ce nombre corresponde pour Truffaut au 8/13, le 13 août anglo-saxon, anniversaire de Hitchcock (sans oublier la référence avouée au roman "813").
Dans les 12 films suivants, les citations 813 sont plus discrètes, et ne concernent que 3 films à ma connaissance, puis c'est un retour en force en 80 dans Le dernier métro, avec 3 occurrences distinctes, et à nouveau des 813 dans les 2 films suivants, les derniers.
Hitchcock est mort le 29 avril 80, juste après le tournage du Dernier métro, mais Truffaut était aux premières loges pour connaître l'état de celui qui fut son maître à filmer, et prévoir qu'il serait disparu à la sortie du film. Il y aurait matière à présumer que ces derniers 813 soient des hommages posthumes, les premiers des signes d'allégeance, les intermédiaires des gages de fidélité.
Mais je ne vais parler ici que du dernier film, Vivement dimanche !, où la théorie est dépassée par une formidable convergence de coïncidences, marquant tragiquement ce dernier film, alors que l'encore jeune cinéaste avait plein de projets dans ses cartons.
Dans les 12 films suivants, les citations 813 sont plus discrètes, et ne concernent que 3 films à ma connaissance, puis c'est un retour en force en 80 dans Le dernier métro, avec 3 occurrences distinctes, et à nouveau des 813 dans les 2 films suivants, les derniers.
Hitchcock est mort le 29 avril 80, juste après le tournage du Dernier métro, mais Truffaut était aux premières loges pour connaître l'état de celui qui fut son maître à filmer, et prévoir qu'il serait disparu à la sortie du film. Il y aurait matière à présumer que ces derniers 813 soient des hommages posthumes, les premiers des signes d'allégeance, les intermédiaires des gages de fidélité.
Mais je ne vais parler ici que du dernier film, Vivement dimanche !, où la théorie est dépassée par une formidable convergence de coïncidences, marquant tragiquement ce dernier film, alors que l'encore jeune cinéaste avait plein de projets dans ses cartons.
Il faut d'abord préciser que le choix de cette adaptation d'une Série Noire, 10 ans après le polar précédent de Truffaut, Une belle fille comme moi (72), est une idée de sa collaboratrice Suzanne Schiffman, qu'il a acceptée sans relire le roman, dont il avait jadis envisagé une adaptation pour Jeanne Moreau. Truffaut s'est repenti ensuite de ce choix trop rapide, car le roman était difficile à adapter, ce qui obligea à modifier considérablement son intrigue.
A-t-il su que son auteur, Charles Williams, était un natif du 8/13 ? Du 13 août 1909, 10 ans exactement après la naissance de Hitch.
Son roman The Long Saturday Night est paru en 1962 aux USA, l'année des entretiens Hitch-Truff ayant débuté le 13 août, et l'année suivante en France sous le titre Vivement dimanche ! et le numéro 816 de la Série Noire (pas loin du 813, Le grand plongeon).
Le film tourné fin 82 a été achevé de monter en mai 83. Je ne sais si Truffaut a eu une part dans la décision très inhabituelle de sortir le film au milieu de l'été, toujours est-il qu'il est sorti en salle le mercredi 10 août, la semaine du 8/13...
C'est, selon les propres mots du réalisateur,
un film qui appartient à la tradition de la comédie policière... Disons un "film du samedi soir" conçu pour faire plaisir. Aucune intention cachée...Est-ce si sûr, lorsque ce "film du samedi soir" a pour titre Vivement dimanche ! ? Et surtout lorsqu'il appert que le premier samedi où le public a pu voir ce film était le 13 août ?
De l'année 1983, qui plus est, la seule année comprenant les chiffres 1-3-8 où Truffaut pouvait raisonnablement sortir un film (la prochaine sera en 2138). Et ce film sorti en 83 se passe à Hyères, dans le 83 (on voit ci-contre le numéro de la voiture à l'affiche du film).
Et puis, à quelques heures du 8/13 fatidique, au cours d'un dîner le 12 août avec des amis dans la villa normande où Truffaut s'est installé pour travailler sur ses prochains films, il est pris d'un malaise, avec "l'impression qu'un pétard a explosé dans sa tête". C'est la première manifestation d'une tumeur au cerveau, qui l'emportera 14 mois plus tard, le 21 octobre 84.
Par un bouclage tragique, cette villa de Vasouy où Truffaut a passé une très pénible nuit du 12 au 13 août se situe à quelques centaines de mètres du lieu de tournage de l'avant-dernier plan des 400 coups, la rive gauche de l'estuaire de la Seine. Je dois cette info au commentaire de Robert Lachenay donné dans le DVD MK2 (le dernier plan se situerait, toujours selon lui, sur la plage de Villers, 20 km plus loin, magie du cinéma puisque la course qui a mené Antoine Doinel à Vasouy est partie du moulin d'Andé, à plus de 100 km).
J'en viens au contenu de Vivement dimanche !, et donc à ce qui relève plus immédiatement des intentions de Truffaut.
Il faut d'abord souligner qu'il s'agit de son plus pur polar, avec des crimes, une enquête, des rebondissements, la révélation finale du coupable, et ce sur une thématique très hitchcockienne : un homme que tout accuse de plusieurs crimes choisit de se soustraire aux représentants de la Loi pour mener l'enquête lui-même, avec l'aide d'une femme. Si c'est un sujet maintes fois traité (au mieux peut-être par William Irish), 4 films au moins de Hitch l'illustrent (Jeune et innocent, Le grand alibi, La Mort aux trousses, Frenzy).
La citation 813 apparaît dès le premier dialogue du film, où Barbara (Fanny Ardant) reçoit un appel de la femme de son patron, demandant que celui-ci lui expédie un carnet de chèques à l'hôtel Garibaldi, chambre 813.
Il sera ensuite question à plusieurs reprises de cette chambre 813, jusqu'à ce que Barbara s'y rende pour enquêter, et y tombe sur le détective privé Lablache. Truffaut savait-il qu'en cette même année 82 était paru un Mystère de la chambre 813, signé William Irish, bien que l'auteur de La Mariée était en noir et de La Sirène du Mississipi n'ait jamais rien écrit sur une chambre 813 ? Je reviendrai sur cette question dans un billet ultérieur, mais il me semble que Truffaut n'avait nul besoin de cela pour saisir l'occasion de satisfaire sa manie, attendu qu'il avait déjà fourré au moins 3 autres chambres 813 dans ses films antérieurs.
Mieux, il s'est amusé à parodier sa première citation 813, dans La peau douce (64), où le désir s'éveille dans l'ascenseur entre Nicole montant vers sa chambre 813 et Pierre, leurs mains se frôlant sur les touches des étages 8 et 3. Ici l'ascenseur emmène Barbara vers la chambre 813 en compagnie d'un étrange individu dont les poches débordent de sous-vêtements féminins...
Les deux scènes sont en noir et blanc. S'il était commun de filmer en NB en 63, c'est devenu dans les années 80 une hérésie, et Truffaut a eu du mal à faire accepter sa volonté aux chaînes de TV coproductrices. De fait, entre La peau douce et Vivement dimanche !, il n'a tourné qu'un seul film NB, L'enfant sauvage en 69. Et ce film "passéiste" se déroule explicitement à Hyères (hïer, s'il faut mettre les points sur le i), et y a été effectivement tourné...
Le détective Lablache... Une blache est une chênaie en Provence, or le patron de l'agence Dubly qui a conseillé Truffaut pour l'agence Blady de Baisers volés se nommait Albert Duchenne. Truffaut a également utilisé ses services pour découvrir son vrai père, Roland Lévy (alors que son père adoptif était Roland Truffaut...) Sous les chênes provençaux poussent volontiers les truffes...
Il a été remarqué la grande analogie des situations de Lucas Steiner dans Le dernier métro, contraint de se cacher 813 jours et 813 nuits dans la cave de son théâtre, qu'il continue néanmoins à diriger par l'intermédiaire de sa femme, et de Julien Vercel dans Vivement dimanche !, caché dans son arrière-boutique, prétendant diriger l'enquête de sa secrétaire.
Truffaut avait été frappé d'apprendre que son géniteur était juif, et que c'était sans doute la raison qui avait empêché son admission dans la famille de sa mère, proche de l'Action Française. L'identité des prénoms des pères réel et adoptif est peut-être à rapprocher de celle unissant JULIEN DaVEnne, personnage joué par Truffaut dans La chambre verte, et JULIEN VErcel, dont ces premières lettres capitales ont pour anagramme L'ENJUIVÉ, ignoble mot proféré par Daxiat dans Le dernier métro.
Le mystère de la chambre 813 est assez vite éclairci : Mon Amour et Le Capitaine sont des chevaux, son occupante Marie-Christine y jouait aux courses.
Ce turf dans la chambre 813 m'évoque l'unique tiercé 8-1-3 joué en 70 par Truffaut pour pouvoir se payer les droits de Une belle fille comme moi, mais le tiercé gagnant fut 4-5-1. Truffaut a donné pour raison de son choix son admiration pour "813" de Leblanc, mais il apparaît encore ici un écho au film clé Marnie, où il y a une scène, peut-être unique chez Hitchcock, sur un champ de courses. Après la 3e course, Marnie conseille à Mark de miser sur Telepathy, le dossard 8, qui l'emportera effectivement.
Ce seront quelques mots sur Telepathy échappés à Marnie qui permettront à Mark de la retrouver sous sa véritable identité, après le cambriolage du coffre-fort. Le détective Lablache découvrira que la turfiste de la chambre 813 avait aussi plusieurs identités, son vrai nom étant Josiane Kerbel (à remarquer la ressemblance avec Vercel, son nom après son mariage, alors que les deux pères de Truffaut se prénommaient tous deux Roland).
Tous ces éléments - les paris dans une chambre d'hôtel, l'innocent caché dans l'arrière-boutique de son agence, sa secrétaire menant l'enquête à sa place, le détective privé - figuraient dans le roman de Charles Williams, bien que certains aient été accentués dans le film, où notamment une plus grande part d'initiative est accordée à Barbara, ce dont Julien ne pourra que se féliciter. Ainsi le choix de cette adaptation - initiative de la "secrétaire" de Truffaut - ne semble pas avoir été si mauvais, mais il ne faut pas oublier qu'il s'agissait d'un vieux projet de Truffaut lui-même, lequel devait avoir perçu les potentialités du roman.
813 n'est pas le seul élément récurrent dans la filmographie truffaldienne, on peut aussi citer les chats, la tour Eiffel, l'aérotrain, etc., et Massoulier.
Le nom de Massoulier est mentionné dans plusieurs films, mais toujours par ouï-dire, on ne le voit jamais. Or Vivement dimanche ! débute par la mort d'un homme recevant une balle en pleine tête, on apprend ensuite qu'il s'agit de Jacques Massoulier. Si Truffaut a dérogé ici à une de ses règles fantaisistes, Vivement dimanche ! marque la fin du tic Massoulier, comme de tous les autres tics, hélas.
Il me semble important de souligner que Jean-Louis Richard est acteur à part entière dans Vivement dimanche !, de même que dans Le dernier métro. S'il est absent physiquement de La femme d'à côté, une de ses scènes est tournée dans sa propriété du Var (le 83, tandis que le reste du film est tourné près de Grenoble, dans le 38). Je constate la constante présence de Richard dans les deux périodes 63-67 et 80-83, où 813 apparaît dans chaque film, alors qu'il n'est semble-t-il associé qu'à un seul autre film de la période intermédiaire, La nuit américaine.
Avant de pouvoir bâtir une hypothèse sur les 813 intermédiaires, il faudrait en connaître la liste exacte, ce qui reste incertain tant les citations peuvent être discrètes et fugitives. Je vais terminer avec un cas déjà cité sur ma page dédiée aux cas 813, le numéro du visa d'exploitation de L'enfant sauvage.
Ce numéro 30081 est donc une permutation circulaire de 00813, avec une curiosité remarquable : 30081 est divisible par 813, de même que l'autre permutation non triviale 13008.
30081 = 813 x 37 donc, or Truffaut, maniaque du 813 qui a notamment utilisé la combinaison 381-813 dans deux films antérieurs, s'est pour la première fois donné un rôle important dans L'enfant sauvage, tourné à l'été 69, où on le voit donc âgé de 37 ans.
J'avais mentionné ce cas en tant qu'évident hasard, et puis j'ai eu l'occasion de consulter une liste des films de Truffaut mentionnant leurs numéros de visas, où L'enfant sauvage apparaît comme une anomalie flagrante. Pour tous les autres films, les numéros croissent en corrélation avec les dates de sortie, sauf celui de L'enfant sauvage (70, 30081) qui se situe entre La peau douce (64, 28067) et Fahrenheit 451 (66, 32282).
J'ai pensé à une erreur, volontaire ou non, mais le site du CNC semble confirmer cette attribution. Il permet diverses recherches sur les visas d'exploitation, et j'ai regardé ce qui se passait autour du 30081 :
30079 GOLDFINGER attribué le 01/02/1965 , sortie en salle le 17/02/1965
30080 ESPIONNAGE A BANGKOK POUR U 92 attribué le 19/07/1965 , sortie en salle le 02/08/1965
30082 LE SCHTROUMPF CET INCONNU attribué le 12/12/1966, sortie en salle le 6/12/1966
30083 LE VOLEUR DE SCHTROUMPFS attribué le 20/06/1966, sortie en salle le 12/07/1966
Les numéros 30078 et 30084 ne sont pas attribués, mais tous les films ne sont pas recensés sur ce site.
Difficile d'en tirer grand-chose, sinon que ces numéros ne sont pas attribués selon une stricte chonologie séquentielle, et qu'il semble se dessiner des rapprochements thématiques, mais d'ici à comprendre pourquoi L'enfant sauvage devrait s'insérer entre un film d'espionnage et Le schtroumpf cet inconnu...
Il ne me semble pas absurde d'imaginer que Truffaut ait pu se faire attribuer un numéro inutilisé, grâce à des complicités au sein de la Commission.
Le site permet d'avoir des listes par réalisateurs. J'ai regardé Godard, Lelouch, Rohmer. Une seule anomalie chronologique, pour les Contes des quatre saisons du dernier, qui ont donc ces numéros :
69451, Conte de printemps, sorti en 90
69707, Conte d'été, sorti en 96
69708, Conte d'automne, sorti en 98
69709, Conte d'hiver, sorti en 91
Je remarque surtout que la Commission a eu à coeur de restituer la séquence usuelle des saisons, que Rohmer n'avait pas respectée.
Une dernière curiosité, à propos de la date inhabituelle de sortie de Vivement dimanche !, en pleines vacances. Le site IMDb permet de faire des recherches par date de sortie en salles, et j'ai essayé le 8/13, le 13 août. Eh bien le seul film sorti un 13 août qui ait fait carrière est Bonnie and Clyde, sorti aux USA le 8/13/67, probablement parce que ses distributeurs ne croyaient pas du tout à son succès. Or mes lectures intensives truffaldiennes m'ont appris que c'était un film auquel Truffaut avait été étroitement associé, à la réalisation qu'il a effectivement dirigée pendant quelques semaines en 65, avant d'abandonner tant la communication était difficile avec les Américains, au scénario qu'il a remanié à cette occasion, et même à l'interprétation, le producteur Warren Beatty lui ayant proposé le rôle de Clyde.
Pour ces études truffaldiennes ont été consultées diverses sources, notamment:
- Carole Le Berre, Truffaut au travail
- Dominique Rabourdin, Truffaut par Truffaut
- Antoine de Baecque et Serge Toubiana, François Truffaut
Remerciements à Roland Brasseur pour son aide.
1 commentaire:
Aucune idée si c'est vrai ou faux mais l'analyse mérite une ovation!
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