Retour sur la récurrence du nombre 813 dans les films de Truffaut, avec une hypothèse sur l'origine de ce tic.
S'il est impossible d'être totalement affirmatif, les premiers films et courts-métrages antérieurs à 63 ne semblent contenir aucun 813, alors que le nombre est immédiat dans les 4 films suivants, de La Peau douce tourné en 63, à La Mariée était en noir (67), ce qui correspond exactement à la "période hitchcockienne" de Truffaut, selon de Baecque et Toubiana. Ces 4 films ont en commun la participation de Jean-Louis Richard aux scénarios, pour l'écriture desquels les deux amis commençaient, pour se mettre en condition, par regarder un Hitchcock le matin.
J'ai imaginé une possible relation du tic 813 avec Hitchcock depuis que je sais que le maître à filmer de Truffaut est né un 13 août, jour noté 8/13 aux USA, et une curiosité vient étayer cette hypothèse. En 62, Truffaut qui avait eu l'occasion de rencontrer Hitch à diverses reprises, lui a soumis son idée d'un livre d'entretiens, destiné à mettre en valeur son travail, encore jugé de second ordre aux USA. Hitch accepta, et lui donna pour date de début de leurs entretiens le 13 août 62, jour de son 63e anniversaire.
Et c'est le 8/13 que Truffaut a débarqué à Los Angeles avec sa traductrice, pour dîner le soir même chez les Hitch, où son anniversaire devait être fêté. Les entretiens proprement dits ont débuté le lendemain, donnant lieu au livre de cinéma le plus vendu dans le monde, composé sans hâte excessive puisqu'il est paru 4 ans plus tard.
Toujours est-il que Truffaut, non anglophone, n'a pu manquer alors d'apprendre que le 13 août était un 8/13, ce qui a pu faire tilt s'il vouait un culte, comme il le disait, au roman de Maurice Leblanc, d'autant qu'il n'est pas impossible que Leblanc eût lui-même utilisé ce jeu dans "813" où on trouve ceci (chapitre La grande combinaison de Lupin):
Les dates sont très rares dans le roman, et celle-ci était absente lors de sa première publication en feuilleton, d'où il est envisageable que Leblanc ait introduit délibérément cette finesse, sans nécessairement penser à la forme anglaise 8/13 (l'article annonce l'intervention d'Herlock Sholmès), puisque ce sont les chiffres 1-3-8 composant 813 qui importent dans la résolution de l'énigme, et non le nombre lui-même.
Toutefois la forme 8/13 peut amener à découvrir une rare curiosité calendaire, unique à vrai dire : cette forme est identique à la fraction 8/13, or les 8/13es d'une année normale de 365 jours tombent aux 8/13es du 8/13 !!!
En effet le 13 août est le 225e jour de l'année, les 224 précédents équivalent à 8 fois 28, les 140 suivants à 5 fois 28, la somme 364 à 13 fois 28, donc 8/13es de 365 tombent aux 8/13es du 8/13 (soit vers 15 heures), et le bon sens souffle que cette curiosité est unique (ce qui se vérifie aisément).
S'il est impossible d'être totalement affirmatif, les premiers films et courts-métrages antérieurs à 63 ne semblent contenir aucun 813, alors que le nombre est immédiat dans les 4 films suivants, de La Peau douce tourné en 63, à La Mariée était en noir (67), ce qui correspond exactement à la "période hitchcockienne" de Truffaut, selon de Baecque et Toubiana. Ces 4 films ont en commun la participation de Jean-Louis Richard aux scénarios, pour l'écriture desquels les deux amis commençaient, pour se mettre en condition, par regarder un Hitchcock le matin.
J'ai imaginé une possible relation du tic 813 avec Hitchcock depuis que je sais que le maître à filmer de Truffaut est né un 13 août, jour noté 8/13 aux USA, et une curiosité vient étayer cette hypothèse. En 62, Truffaut qui avait eu l'occasion de rencontrer Hitch à diverses reprises, lui a soumis son idée d'un livre d'entretiens, destiné à mettre en valeur son travail, encore jugé de second ordre aux USA. Hitch accepta, et lui donna pour date de début de leurs entretiens le 13 août 62, jour de son 63e anniversaire.
Et c'est le 8/13 que Truffaut a débarqué à Los Angeles avec sa traductrice, pour dîner le soir même chez les Hitch, où son anniversaire devait être fêté. Les entretiens proprement dits ont débuté le lendemain, donnant lieu au livre de cinéma le plus vendu dans le monde, composé sans hâte excessive puisqu'il est paru 4 ans plus tard.
Toujours est-il que Truffaut, non anglophone, n'a pu manquer alors d'apprendre que le 13 août était un 8/13, ce qui a pu faire tilt s'il vouait un culte, comme il le disait, au roman de Maurice Leblanc, d'autant qu'il n'est pas impossible que Leblanc eût lui-même utilisé ce jeu dans "813" où on trouve ceci (chapitre La grande combinaison de Lupin):
Les dates sont très rares dans le roman, et celle-ci était absente lors de sa première publication en feuilleton, d'où il est envisageable que Leblanc ait introduit délibérément cette finesse, sans nécessairement penser à la forme anglaise 8/13 (l'article annonce l'intervention d'Herlock Sholmès), puisque ce sont les chiffres 1-3-8 composant 813 qui importent dans la résolution de l'énigme, et non le nombre lui-même.
Toutefois la forme 8/13 peut amener à découvrir une rare curiosité calendaire, unique à vrai dire : cette forme est identique à la fraction 8/13, or les 8/13es d'une année normale de 365 jours tombent aux 8/13es du 8/13 !!!
En effet le 13 août est le 225e jour de l'année, les 224 précédents équivalent à 8 fois 28, les 140 suivants à 5 fois 28, la somme 364 à 13 fois 28, donc 8/13es de 365 tombent aux 8/13es du 8/13 (soit vers 15 heures), et le bon sens souffle que cette curiosité est unique (ce qui se vérifie aisément).
Si je ne peux certifier que Truffaut l'ait connue, elle s'accorderait parfaitement au point troublant ayant motivé mon premier billet sur lui, l'apparition dans 3 cas de la citation 813 vers la section d'or du film, sans autre indice d'une construction d'or. Or vers la section d'or (0.618), c'est aussi vers les 8/13es (0.615, à 16 secondes de la section d'or idéale pour un film de 90 minutes), et il y a donc une interprétation alternative pour tout élément semblant significatif dans cette zone.
Le cas de La Mariée était en noir entre particulièrement dans ce schéma. La citation 813 intervient donc vers les 8/13es du film, et les deux éléments significatifs 8 et 13 sont cités de part et d'autre du vol 813 emprunté par la justicière. Ce film est une adapation de William Irish, également adapté par Hitch (Fenêtre sur cour, 1954), et sa musique est de Bernard Herrmann, longtemps compositeur attitré de Hitch.
Il en va de même pour Mata-Hari agent H 21, dont le générique crédite Truffaut pour le scénario et Jean-Louis Richard pour la réalisation, mais je suppose que ces deux proches amis se sont partagés les rôles, comme ils l'ont fait pour d'autres films de cette "période hitchcockienne", réalisés par Truffaut. Toujours est-il qu'il y a une forte ressemblance entre la scène de l'ouverture d'un coffre-fort par Mata-Hari et une scène très proche de Pas de printemps pour Marnie, où Marnie sous le nom de Mary Taylor n'a aucune difficulté à ouvrir le coffre dont le responsable a sans cesse besoin d'aller consulter la combinaison, au vu de tous les employés, dans un tiroir fermant par une clé ordinaire...
Ce document n'est pas un simple pense-bête, il semble plutôt conçu pour aider le cambrioleur le moins fûté, ou mieux encore pour faciliter la compréhension du spectateur, puisque c'est d'abord de cela qu'il est question pour le metteur en scène.
J'ai cru voir un écho ironique dans la scène très proche où Mata-Hari emprunte la clé du coffre à visiter en assommant son détenteur, un colonel sensible à ses charmes. Son réseau lui avait préalablement fourni la combinaison du coffre, inutilement puisque la combinaison est gravée sur la clé !
Si la référence à Marnie me semble toujours valide, d'autant que les deux scènes sont ponctuées de purs artifices de suspense très voisins (l'irruption dans les deux cas d'un intrus qui pourrait découvrir la voleuse en flagrant délit), le film de Hitchcock est sorti en France en novembre 64 (juillet 64 aux USA), alors que Mata-Hari, tourné en septembre-octobre, était en cours de montage. La relation privilégiée Hitch-Truff expliquerait aisément que Truffaut ait eu en mains très tôt le scénario de Marnie, mais peut-on pousser ce "très tôt" jusqu'au printemps 63 où Truffaut-Richard ont écrit le scénario de Mata-Hari ?
Les choses se corsent en examinant les noms des héroïnes, Margaret (Marnie) Edgar dont le premier pseudo connu est Marion Holland, tandis que la prétendue Javanaise Mata Hari cache la pure Hollandaise Margaretha Zelle. Mary Taylor, identité sous laquelle Marnie entre ensuite dans l'entreprise Rutland où se passeront les deux scènes de viol du coffre, offre peut-être encore plus de ressemblances avec Mata-Hari.
Tous les prénoms de Marnie débutent par la lettre M, 13e de l'alphabet, tandis que la lettre H, 8e, apparaît dans Holland, Heilbron, et... Hitchcock Himself.
Le film lui-même est en VO Hitchcock's Marnie, HM, et il marque pour les spécialistes l'apogée de l'art du maître, malgré une mauvaise réception à sa sortie. On a appris ensuite ses conditions très particulières de tournage, Hitch, 64 ans, étant tombé fou amoureux de son actrice sur le point d'épouser son agent (pas H21).
Le vertige H/M, ou 8/13, continue avec les noms des actrices incarnant Marion Holland et Mata-Hari, Hedren et Moreau... Il semble difficile d'imaginer une intention ici puisque Jeanne Moreau avait déjà été pressentie plusieurs années plus tôt pour une autre adaptation de l'affaire Mata-Hari.
Curieusement, les Films du Carrosse, et à travers eux Truffaut au premier chef, ont été poursuivis pour plagiat du scénario de ce premier projet, et condamnés à verser une somme substantielle à la partie plaignante. Je serais curieux de savoir si les motifs ayant motivé cette décision étaient plus flagrants que les ressemblances entre les scènes d'ouvertures des coffres par Mary Taylor et Mata-Hari, Margaret et Margaretha.
Par ailleurs Truffaut avait, bien avant Marnie et Mata-Hari, un sentiment pour Jeanne Moreau déjà apparue dans Les 400 coups, puis vedette de Jules et Jim, sentiment payé de retour et plutôt habituel dans sa carrière, alors que le démon de treize heures qui a saisi Hitch lors du tournage de Marnie semble exceptionnel.
C'est Jeanne Moreau qui fit connaître à Truffaut Jean-Louis Richard, son premier mari, et les deux hommes se sont si bien entendus, à la manière de Jules et Jim mari et amant de Catherine jouée par Moreau, qu'ils ont été pratiquement inséparables durant cette "période hitchcockienne".
Il faudrait pour considérer rationnellement ce qui va suivre pouvoir répondre affirmativement au moins à la seconde de ces questions:
La combinaison 381 813 apparaissait-elle dès le premier scénario de Mata-Hari écrit au printemps 63, avant celui de La Peau douce où apparaîtra la première citation 813 "officielle" ?
Lors du choix de cette combinaison, Truffaut connaissait-il le scénario de Marnie, du moins le script de la scène de l'ouverture du coffre ?
Admettre ce dernier point ouvre vers de vertigineuses hypothèses.
Si ce n'est pas explicite dans le film, Hitchcock a dit sans ambiguïté qu'il entendait faire comprendre à son public que Mark Rutland engageait Mary Taylor parce qu'il avait reconnu en elle la voleuse Marion Holland, et qu'il la désirait pour cette raison. Rut-land et Hol-land, nous sommes en pays de connaissance, biblique (rut a le même sens en anglais qu'en français), sainte (holy), féminine (hole, "trou"), ou cinématographique (Hollywood).
J'ai vu dans l'épisode du soldat venant mettre à l'heure l'horloge murale à côté du coffre que Mata-Hari est en train d'ouvrir une allusion probable au "813" de Leblanc, où le nombre fatidique est la clé permettant d'ouvrir une cache dans une horloge murale.
Or la personne qui parvient à devancer Lupin dans cette entreprise n'est autre que la femme qu'il aime, Dolorès, par ailleurs responsable de tous les horribles assassinats survenus durant l'aventure. Lorsqu'il comprend la folie criminelle de Dolorès, Lupin hébété retrace dans sa tête toute l'affaire, en y comprenant maintenant le rôle qu'elle y a joué, sans se rendre compte qu'il n'a pas relâché sa prise sur la gorge de celle qui vient de tenter de l'assassiner à son tour. Lorsqu'il reprend ses esprits, elle est morte, étranglée par les mains du gentleman-cambrioleur, dans une scène très forte que tout pro de la com aurait conseillé de modifier, afin de ne pas ternir l'image du héros auprès de son vaste public. Il faut croire que Leblanc avait une tout autre ambition, puisque la mort excusable de la criminelle est suivie de celles de deux innocents, directement imputables à l'aveuglement de Lupin, et que le titre de cette seconde partie de "813" est ainsi Les trois crimes d'Arsène Lupin.
Je me souviens avoir été particulièrement frappé dans ma jeunesse par ce titre, et par son inquiétante couverture. Aujourd'hui, après moult lectures et relectures de toutes les oeuvres de Leblanc, je pense qu'il s'agit de son roman le plus profond, et je ne suis pas le seul, d'autres lecteurs en ayant décelé les aspects balzaciens, auxquels Truffaut devait être sensible, lui qui aimait cette littérature.
Toujours est-il que ces trois crimes de Lupin sont très proches, au niveau de l'image du héros (et de son créateur), de l'épisode du viol de Marnie par Mark Rutland, scène que Hitch a tenu à inclure dans son film, contre l'avis de tous ses collaborateurs (en virant notamment son scénariste, Evan Hunter alias Ed McBain, qui refusait de l'écrire).
Bref il semble se tisser un vaste jeu d'échos entre "813", Marnie et Mata-Hari, à partir duquel il est tentant d'interpréter les citations 813 des films suivants.
Dans La Peau douce, le caractère érotique du nombre 813 est souligné: ce sont d'abord les mains qui se frôlent sur la clé 813 échappée à Nicole, et que Pierre a ramassée, semblant fasciné par ce nombre... Le lendemain, lorsqu'il l'accompagnera jusqu'à la chambre 813, Pierre en possession des deux clés se trompe en lui donnant la clé de sa propre chambre, mais seule la clé 813 pourra pénétrer le trou de la serrure de la chambre 813, où Pierre et Nicole vont devenir amants.
A noter qu'une scène, semble-t-il tournée, soulignait l'importance du nombre 813 et sa signification pour Pierre, mais cette explication a été écartée au montage.
Les amants se retrouveront dans un autre hôtel, à Reims dans la chambre 12 (8+1+3, ce qui est conforme à l'énigme 813 de Leblanc) de l'Hôtel Michelet (H-M !)
A noter qu'une scène, semble-t-il tournée, soulignait l'importance du nombre 813 et sa signification pour Pierre, mais cette explication a été écartée au montage.
Les amants se retrouveront dans un autre hôtel, à Reims dans la chambre 12 (8+1+3, ce qui est conforme à l'énigme 813 de Leblanc) de l'Hôtel Michelet (H-M !)
Dans Fahrenheit 451, scénario Truffaut-Richard encore, le numéro 381 813 de la clé dérobée par Jeanne Moreau en assommant le colonel qui tentait de la forcer devient le numéro identifiant Montag, joué par Oskar Werner qui était le mari de Moreau dans Jules et Jim, la partageant en toute amitié avec l'amant Jim.
Montag est ici partagé entre sa femme Linda Montag et Clarisse que tout oppose, sinon qu'elles sont jouées par la même actrice, Julie Christie, et qu'elles habitent toutes deux le bloc 813. A remarquer les initiales LM de Linda Montag, qui s'appelait Mildred dans la nouvelle de Bradbury : le sinistre assassin du "813" de Leblanc Maurice n'est connu que par les initiales LM, jusqu'à ce que Lupin découvre qu'il s'agit de sa bien-aimée Dolorès.
Enfin dans La Mariée était en noir, la citation 813 intervient juste après les trois premiers crimes de Julie Kohler, encore Jeanne Moreau (et encore une astuce de Truffaut, Kohler étant le nom du pianiste sur lequel un film récent intimait de tirer), au moment où celle-ci téléphone à la police pour disculper l'institutrice soupçonnée du meurtre de Lonsdale-Morane. Le deuxième crime de Lupin est l'exécution de Léon Massier, condamné pour les meurtres de LM, qu'il arrive trop tard pour empêcher après avoir découvert la véritable identité de LM.
Pour revenir à la date de naissance de Hitch, le 8/13 ou 13/8, 138 est l'une des deux permutations circulaires de 813, l'autre étant 381, ce qui peut éclairer le choix de la combinaison 381 813.
Dans les différentes éditions des entretiens Truffaut-Hitchcock, il n'est jamais précisé la date de ces entretiens, qui débutent par cette question de Truffaut :
F.T. Monsieur Hitchcock, vous êtes né à Londres le 13 août 1899. De votre enfance, je ne connais qu'une histoire, celle du commissariat. Est-ce une histoire vraie ?
En fait, Truffaut n'a fait aucune allusion à la date de naissance de Hitch (lequel devait la connaître), et la prétendue spontanéité des entretiens a été considérablement retravaillée, comme on peut le vérifier en écoutant l'enregistrement original, disponible en ligne.
Dans une interview de 61, Truffaut ne cite pas Hitch parmi ses maîtres immédiats, qui sont Renoir et Rossellini. Il y déclare notamment qu'avant de tourner une scène, il se demande comment aurait procédé Renoir. Dans sa dernière apparition publique, le 13 avril 84 à Apostrophes, Hitchcock a remplacé Renoir.
Voilà pour ce premier volet sur ma théorie 8/13-Hitchcock, dont je suis bien conscient de la fragilité d'ensemble, mais qu'il semble difficile de rejeter dans sa totalité, à moins d'une invraisemblable accumulation de coïncidences...
...que je peux néanmoins imaginer, tant le hasard est impossible à éluder dans le second volet, à venir très prochainement.
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