12 juin, pique-nique des Beaux-Arts de Digne, dont ma compagne Anne suit les cours, au lac de Gaubert. Je l'y accompagne et remarque deux canards dont les sillages entrecroisés forment un W...Le soir, nous regardons Paris, Texas, de Wim Wenders, qu'Anne a emprunté à la médiathèque. Le film dure 139 minutes, je ne suis pas sûr d'avoir envie de tout regarder, l'ayant déjà vu au moins deux fois, mais l'art de WW est tel que nous sommes à nouveau captivés.
Depuis quelque temps, je suis attentif au découpage temporel des films, et mes souvenirs de celui-ci me suggèrent qu'il faudrait s'intéresser au moment où le film bascule, l'apparition tardive de Nastassja Kinski. Eh bien ça tombe pile poil vers la section d'or, et ça ne s'arrête pas là, mais peut-être faut-il rappeler le sujet, simplissime.
Depuis quelque temps, je suis attentif au découpage temporel des films, et mes souvenirs de celui-ci me suggèrent qu'il faudrait s'intéresser au moment où le film bascule, l'apparition tardive de Nastassja Kinski. Eh bien ça tombe pile poil vers la section d'or, et ça ne s'arrête pas là, mais peut-être faut-il rappeler le sujet, simplissime.
La famille Henderson a éclaté voici 4 ans, papa Travis (Harry Dean Stanton) et maman Jane (Nastassja) sont partis chacun de leur côté, tandis que leur enfant Hunter a été recueilli par le frère de Travis, Walt, et sa femme Anne. Le spectateur ne l'apprend que petit à petit, le film débutant par la découverte de Travis errant dans le désert, semblant avoir perdu tout contact avec la réalité.
Travis est hébergé chez son frère, où il s'humanise un peu, mais est rejeté par son fils, âgé de 8 ans maintenant, qui ne veut rien avoir à faire avec ce dingue. Et puis il y a une scène essentielle, où Walt projette un petit film tourné 5 ans auparavant, lorsque les deux couples étaient partis ensemble à la mer. Hunter affecte de s'en désintéresser, mais le regarde tout de même du coin de l'oeil, en lorgnant de temps à autre vers son père. Il confie ensuite qu'il a compris alors que Travis aimait toujours Jane, et que sa vraie famille pouvait se reconstituer.
Le film DVD dure 138' 55", dont on peut calculer la petite section d'or à 53:04 et la grande à 85:51. Cette scène clé de la projection a lieu de 50:25 à 54:28. On y voit pour la première fois Jane, du moins son "image", à plusieurs reprises, et il se trouve que la seconde précise de la section d'or tombe sur un plan où Jane et Travis semblent nager dans le bonheur.
Je n'en déduis rien, surtout pas que Wenders ait consciemment construit son film selon le nombre d'or. Toujours est-il que ça tombe plutôt bien, et que ça continue ensuite pour l'apparition "en vrai" de Jane.
Travis et Hunter se rendent à Houston, où ils savent que le 5 de chaque mois Jane se rend dans une certaine banque pour placer de l'argent sur un compte destiné à Hunter. Travis et Hunter surveillent les deux accès de la banque, en communiquant par talkie-walkies. L'attente est longue, et ils sommeillent tous deux, jusqu'à ce que, par chance, Hunter ouvrant les yeux aperçoit une blonde qui sort de la banque et entre dans une voiture. Son visage est un instant visible, au temps 85:17, à 34 secondes du temps idéal. Hunter l'identifie d'après la photo en sa possession et prévient Travis, mais celui-ci dort... C'est exactement au temps idéal 85:51 (01.25.51 indique le compteur du logiciel, lisible en cliquant sur l'image), que Travis relève la tête, ayant entendu l'appel de Hunter par le talkie-walkie, pas trop tard pour déclencher la poursuite.
Je donne ces précisions parce que les images correspondantes sont significatives, mais sans ce degré de précision à la seconde, il reste fascinant que, à la minute près, les apparitions virtuelle et réelle de Jane se produisent aux deux sections d'or du film. Eisenstein est loin d'avoir visé une telle précision pour son Cuirassé Potemkine, qu'il a néanmoins revendiqué doré.
La Palme d'or 84 était justifiée.
En bonus du DVD Wenders s'exprime en français pendant 25 minutes, dévoilant quelques curiosités sur son film, qu'il a commencé à mixer le jour où débutait le festival de Cannes, le 11 juin 84, où il a amené en catastrophe la première copie sous-titrée une heure avant la projection officielle, le 19 juin.
Il indique aussi que Sam Shepard et lui ont conçu ensemble le scénario de la première partie, en s'intéressant avant tout au personnage de Travis, et Wenders a tourné cette première partie sans aucune idée de ce qu'il se passerait ensuite ! Toutes les idées échangées sur comment Jane apparaîtrait tournaient court. Et puis le vrai père du petit Hunter, Kit Carson (!), au courant du blocage du film, a eu l'idée du peep-show, et a écrit un script que Shepard a développé et dicté à Wenders au téléphone juste avant le tournage des scènes avec Jane.
Ainsi, à la coupure d'or du film, marquée par l'apparition de Jane "en vrai", correspond une coupure d'inspiration des scénaristes originels. Je me demande si la scène du film familial préexistait à l'idée du peep-show (qui y trouve peut-être son origine), quoi qu'il en soit les apparitions de Jane sur des écrans se répondent entre elles, contribuant à l'unité du film et soulignant son harmonie dorée autour du personnage de Jane. Je rappelle que la petite section d'or, où Jane apparaît dans le film en super-8, est encore la grande section d'or de la première partie, dont Jane est absente.
Wenders a imaginé un peep-show fort différent des établissements qui existaient alors, notamment le miroir sans tain qui a permis les extraordinaires scènes finales, avec par exemple la superposition du reflet du visage de Travis sur celui de Jane.
Wenders évoque aussi une coïncidence pour la musique. Il savait qu'il allait faire appel à Ry Cooder, et avait pensé à son interprétation de Dark was the night, inspirée par l'enregistrement de 1927 de Blind Willie Johnson, qu'on peut entendre ici. Il a montré son film à Cooder, sans le lui dire, et c'est aussi ce morceau qui s'est imposé au guitariste, qui en a réalisé une nouvelle adaptation.
Je me sens également concerné par ce morceau. Vers 15 ans, des amis plus âgés m'avaient converti au vieux blues, et je me souviens que le premier disque que j'ai acheté était le coffret de trois 33 tours The Rural Blues, trouvé dans un magasin d'importation des Champs, dont je ne me rappelle plus le nom. Il y figurait deux titres de Blind Willie Johnson, dont Dark was the night, et j'avais tellement apprécié que j'avais ensuite acheté le 33 tours de Blind Willie Johnson, malgré son prix élevé (je crois me rappeler de 50 F, plus de deux fois le prix d'un LP normal vers 66).
Petite curiosité, le DVD annonce "format 1.66 respecté", or le format effectif est 1.78 (16/9).
La fiche IMDb de Paris, Texas indique aussi le format 1.66.
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