Lors de mon dernier séjour parisien, j'ai remarqué le titre d'un livre d'occasion, Sens interdits, de Stona Fitch (ci-contre la couverture de l'édition allemande).
Le dernier volet de la chronique du 1er septembre 2001 d'Antoine Tanguay, Détours et sens uniques, mentionnée à diverses reprises, était intitulé Sens interdit. Il y avançait l'idée que le point commun des deux premiers romans de Percy Kemp, Musc et Moore le Maure, était la perte d'un sens, l'odorat et le toucher en l'occurrence, et, après avoir lu les 3 autres romans publiés ensuite par Kemp, de 2002 à 2005, il me semble que cette analyse était plutôt fine, puisque Le muezzin de Kit Kat (04) concernerait immédiatement l'ouïe, et que Le système Boone (02) et Et le coucou... (05) peuvent être reliés au goût et à la vue.
Je n'y insiste pas, me bornant à constater le silence éditorial de Kemp depuis 3 ans, comme s'il tenait à séparer ces 5 premiers romans d'une suite éventuelle de son oeuvre.
Je note encore une belle communauté d'idée entre Tanguay et la traduction de Senseless, qui n'est paru en VO aux USA que fin 2001, et en 2002 en France, sous le titre Sens interdits. La 4e de couverture précise que le livre a été écrit avant le 11 septembre 2001.
Le dernier volet de la chronique du 1er septembre 2001 d'Antoine Tanguay, Détours et sens uniques, mentionnée à diverses reprises, était intitulé Sens interdit. Il y avançait l'idée que le point commun des deux premiers romans de Percy Kemp, Musc et Moore le Maure, était la perte d'un sens, l'odorat et le toucher en l'occurrence, et, après avoir lu les 3 autres romans publiés ensuite par Kemp, de 2002 à 2005, il me semble que cette analyse était plutôt fine, puisque Le muezzin de Kit Kat (04) concernerait immédiatement l'ouïe, et que Le système Boone (02) et Et le coucou... (05) peuvent être reliés au goût et à la vue.
Je n'y insiste pas, me bornant à constater le silence éditorial de Kemp depuis 3 ans, comme s'il tenait à séparer ces 5 premiers romans d'une suite éventuelle de son oeuvre.
Je note encore une belle communauté d'idée entre Tanguay et la traduction de Senseless, qui n'est paru en VO aux USA que fin 2001, et en 2002 en France, sous le titre Sens interdits. La 4e de couverture précise que le livre a été écrit avant le 11 septembre 2001.
Il s'agit de la prise en otage à Bruxelles d'un économiste américain, séquestré par un groupe de terroristes aux motivations peu claires. Sa captivité est filmée et diffusée sur Internet, avec en points forts l'élimination successive des 5 sens de l'otage.
Peut-être, le livre étant ensuite paru en poche, avais-je déjà vu ce résumé, qui n'aurait eu alors rien pour m'inspirer, mais le roman ne relève absolument pas du gore et laisse deviner une grande subtilité de l'auteur.
Le nom de l'otage est Eliott Gast, or hostage, "otage" en anglais, est dérivé du mot host, "hôte", et c'est exactement le sens de l'allemand Gast.
Le prénom est peut-être aussi savamment choisi, l'une des traductions de The Waste Land de TS Eliot étant La Terre Gaste...
Les noms anglais des 5 sens, dans l'ordre où ils sont "hôtés" à Gast, sont Taste Smell Touch Hearing Sight, leurs initiales étant les 3 consonnes du mot HoST. Le français OTAGE pourrait être encore plus adéquat, Odorat Toucher Audition Goût..., Et l'otage découvrira après sa dernière opération, une énucléation au cours de laquelle il s'est évanoui, que ses ravisseurs lui ont laissé un oeil, ce dont il tirera une satisfaction indicible.
Eliott Gast n'a pas été enlevé au hasard. Il est secrètement le commis d'une "agence gouvernementale", chargé de distribuer des subsides à diverses personnalités vues favorablement outre-Atlantique. Gast n'a rien d'un héros, aussi, voyant son activité connue de ses ravisseurs, n'a-t-il aucun scrupule à leur assurer qu'il n'est qu'un pion, et qu'un bien meilleur otage serait son patron, Alec Moore.
Un nom apparemment plus quelconque qu'Eliott Gast, mais qui me frappe particulièrement. Leslie Moore est le personnage principal de Moore le Maure, le second roman de Percy Kemp. C'est également un agent secret, mais surtout quelqu'un qui perd progressivement le sens du toucher. Le roman s'achève sur cette phrase:
Il était devenu, dans le sens premier du mot, un être insensé.C'est un détournement de sens absolument identique que Stona Fitch a commis avec son Senseless. Si Moore le Maure était traduit en anglais, ce serait évidemment le mot senseless qui rendrait cet "insensé".
Alec m'évoque immédiatement un polar atypique que j'ai apprécié, Abel Brigand, de JM Villemot. Une jeune fille est supposée assassinée, on découvre une à une d'anciennes lettres d'elle, donnant d'étranges rendez-vous à un oncle qui peut être soit le chirurgien Alec Cooper, soit le peintre Alain Vogt. On s'aperçoit que les lieux des rendez-vous épellent un prénom, Aéroport, Lac... Ce n'est pas suffisant pour déterminer le bon candidat, et le lieu suivant ne permet toujours pas de départager ALEc et ALAin car c'est l'Eglise d'une Abbaye...
Enfin le Cirque du 4e RV désigne ALEC, mais le curé-détective découvre un autre mode de lecture des rendez-vous, qui privilégient chacun l'un des sens, la Vue, l'Odorat, le Goût, le Toucher, et c'est VOGT que ces autres indices accablent...
Il y a là bien des échos avec l'OTAGe de Sens interdits, qui ne peuvent être des emprunts puisque Abel Brigand, publié en décembre 01, devait être écrit bien avant la parution américaine de Senseless en octobre.
Et Moore le Maure était paru en juillet.
Ainsi en 2001 sont parus trois livres où les sens sont au premier plan, deux en France avec un MOORE et un ALEC, et un aux USA avec un ALEC MOORE.
J'ai quelque part un livre titré 5, ni plus ni moins, recueil de nouvelles sur les 5 sens, 5 dues à des auteurs connus, 5 autres lauréates d'un concours sur ce thème.
Je le retrouve et ne suis pas surpris de voir qu'il a été imprimé en novembre 2001.
Je relis, et suis frappé par la qualité littéraire d'une nouvelle primée, Little green apples de Sébastien Fevry, que je me rappelle avoir aussi remarquée à l'époque, mais j'avais alors manqué d'attention.
Elle concerne l'odorat, et se présente comme le journal du gardien Henri d'une décharge privée, pendant 8 jours consécutifs, du Dimanche 8 avril au Dimanche 15 avril.
En 2001, l'année du concours, le 8 et le 15 avril étaient bien des dimanches, et pas n'importe lesquels, celui des Rameaux et celui de Pâques, en conséquence le journal d'Henri couvre exactement la Semaine sainte, mais ce n'est en rien explicite dans le texte, et le savoir n'aide pas immédiatement à comprendre les aspects intrigants de la nouvelle.
Je connais un roman en huit chapitres intitulés de Dimanche 2 avril à Dimanche 9 avril, qui se passe en 1944 où on peut vérifier qu'il s'agit aussi de la Semaine sainte, et Et le huitième jour... d'Ellery Queen (1964) se révèle sans ambiguïté une parodie pascale, même si ses intentions ne sont pas absolument claires.
Il m'est apparu que ce texte se référait abondamment aux Manuscrits de la mer morte, de M Burrows, avec des détails très précis comme le nombre sacré 50 des Esséniens de Qumran se retrouvant à l'identique chez les Quenanites de Queen.
Le mercredi le gardien de Fevry veut chasser un couple qui s'est introduit dans la décharge, mais les choses tournent mal et il tue les jeunes gens. Des idées de pureté le poussent le lendemain à refuser l'accès aux camions apportant de nouvelles immondices sur "sa décharge", qu'il veut transformer en un lieu agréable et parfumé, et il y plante 50 pommiers. Son patron vient lui demander des comptes le vendredi, Henri le tue lorsqu'il essaie d'arracher ses pommiers... Evidemment ça finit mal pour Henri le dimanche.
Chez Queen le Maître de la communauté de Quenan est condamné et mis à mort par les siens, le Vendredi (saint). Il y a aussi un Adam et une Eve.
Il existe dans la tradition chrétienne de multiples correspondances entre la Semaine de la création et la Semaine pascale, entre le pommier de la désobéissance et la croix du Christ, qui aurait été faite de son bois.
Mes connaissances en théologie sont limitées, et j'ai contacté Fevry, qui enseigne à l'Université de Louvain, pour lui demander quelques éclaircissements.
Il a été plutôt surpris. Bien qu'ayant effectivement voulu donner un côté édénique à sa décharge, il n'avait pas pensé à tout ça, notamment à la symbolique du pommier, Little green apples lui ayant été inspiré par la chanson homonyme de Tom Jones. S'il avait bien lu jadis Et le huitième jour..., il n'en avait pas vu toute la profondeur, et n'y pensait en aucune façon lors de l'écriture de son texte...
Je n'ai pas eu de peine à le croire, car j'ai jadis aussi lu innocemment ce Queen, et c'est dans des circonstances stupéfiantes que j'en ai entrevu le secret.
Autre curiosité, le judaïsme fête lui aussi une période pascale de 8 jours, laquelle commence le jour de Pessah, le 15 Nissan qui est une fois sur 7 un dimanche, alors que la semaine chrétienne s'achève le jour de Pâques, obligatoirement un dimanche. En principe, la Pâque chrétienne étant censée indexée sur la fête juive, elle devrait tomber le jour de Pessah lorsque celui-ci est un dimanche, mais les modes de calcul sont indépendants, si bien que c'est rarement le cas. Aussi, environ une fois tous les 10 ans en moyenne, la semaine Sainte chrétienne coïncide exactement avec les 8 jours de Pessah, du 15 au 22 Nissan, et c'était le cas en 2001.
Le fait que Pâques soit tombé un 15 avril, le même quantième que le 15 Nissan, peut être remarqué, mais il y a plus frappant.
La date importante de Abel Brigand est aussi le 15 avril, celle de la disparition de la jeune Alice supposée assassinée, en fait séquestrée, et qui réapparaît bien vivante à la fin du roman. Rien ne permet cependant d'affirmer que l'action se déroule en 2001, l'année de parution.
Je considère ce qui vient comme proprement ahurissant, peut-être parce que je suis intimement concerné. J'ai participé deux fois à des concours de nouvelles, et ai été primé une fois, en 2001 précisément, comme Fevry, pour le concours Les nouveaux Arsène Lupin, les textes primés ayant été édités dans un recueil paru en juin 01.
Or ma nouvelle, qu'on peut lire ici, s'inspirait d'une aventure de Lupin dont la date clé était le 15 avril, le 15-4 plus exactement, ce que j'avais transposé en 15 Rabi, 4e mois du calendrier musulman, dans mon histoire se passant en Arabie.
En jouant avec le sens des mots, il pouvait être question de sens dans mon texte, où le héros avait pris l'identité Nipulen-Esra, Arsène Lupin lu dans l'autre sens, mais il y a mieux.
J'ai signé cette nouvelle Annette Devi, en partie parce que je comptais publier prochainement un roman sous ce pseudonyme, Indécente (L'), construit autour d'un roman dans le roman, La fin monsieur Win signé Enid Navette, où les 5 enfants Twenty, d'initiales OPQRS, mouraient dans de mystérieuses circonstances, privilégiant chacune l'un des 5 sens. Mais, sans assurance d'avoir un éditeur, je n'ai pas finalisé ce projet qui n'a donc été publié ni en 2001 ni plus tard.
Alors que je n'imaginais d'autre lien entre ce billet et le précédent qu'Ellery Queen, j'ai appris en l'écrivant que Senseless vient d'être adapté au ciné, avec dans le rôle d'Eliott Gast l'acteur Jason Behr, dont le nom est étymologiquement l'ours germanique, et dont le prénom est comme il l'a été vu l'anagramme de la colombe hébraïque.
1 commentaire:
Un nouveau roman de Percy Kemp est paru récemment, Le vrai cul du diable. Ce serait selon l'auteur le 3e volet d'une série sur les sens, ce qui rejoint un peu ce que vous dites, mais pas tout à fait quand même.
A part ce menu détail, bravo pour l'ensemble de l'article.
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