Lundi 27 juin 2005, le hasard de mes déambulations dans la Bibliothèque Municipale de Digne m’a fait tomber sur
37e parallèle de Colette Lovinger-Richard, un polar publié en avril 2003 que je n’avais jamais vu, ce que je peux affirmer tant ce titre m’est immédiatement évocateur.
Le 37e parallèle, c’est évidemment celui que fait parcourir Jules Verne à ses
Enfants du capitaine Grant : le capitaine a confié les coordonnées de son naufrage à une bouteille à la mer, mais seule la latitude apparaît sur le message, rongé par l’eau de mer. D’autres éléments corrompus du message font envisager tour à tour trois possibilités, la Patagonie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, mais les recherches successives sont inopérantes, et c’est finalement un hasard qui permet de retrouver le 7 mars 1865 le capitaine Grant à l’île Tabor, de longitude 153° Ouest.
37e parallèle est divisé en trois parties, comme les
Enfants du capitaine Grant :
–
La bouteille à la mer, en 6 chapitres ;
–
Recherches, en 15 chapitres ;
–
L’île Tabor, en 3 chapitres.
Une des premières choses que je regarde en abordant un livre est sa structure, et je remarque aussitôt que les nombres de chapitres de chaque partie sont divisibles par 3.
Ce ne semble pas être un hasard. Le capitaine est ici un commissaire, Fersac, le plus fameux flic de France, trouvé mort d’un coup de son arme de service. On a conclu à un accident, mais il pourrait s’agir d’un suicide, ou d’un meurtre… Fersac avait deux fils, Alain et Francis, 39 et 35 ans, et il a laissé à Francis une lettre lui indiquant qu’il avait reçu des menaces, et qu’au cas où il lui arriverait quelque chose, il faudrait peut-être chercher du côté de trois affaires qui lui avaient laissé un sentiment de doute.
Ce document est donné à la fin du 3e chapitre de
La bouteille à la mer, suivi de 3 chapitres consacrés aux dossiers des 3 affaires en cause. Ceci fait apparaître un nouveau 3 et m’évoque deux constatations antérieures :
– La structure de
37e parallèle est identique à celle d’un roman d’Agatha Christie,
Cinq petits cochons, également consacré à la réouverture d’une vieille affaire et également divisé en 3 parties. Ce sont ici les 5 suspects qui semblent déterminer la répartition des chapitres, ainsi la première partie débute par des chapitres introductifs, au nombre de 5 sans nécessité aucune, suivis de 5 chapitres consacrés aux rencontres de Poirot avec les 5 suspects. La seconde partie est constituée par leurs 5 témoignages circonstanciés. La dernière partie est encore composée de 5 chapitres, sans nécessité évidente.
– Il me semble avoir repéré une volonté structurale non seulement dans
Les Enfants du capitaine Grant, mais dans les deux autres romans de la trilogie de Verne. Il y a 3 parties de 26-22-22 chapitres dans les
Enfants, mais les 4 premiers chapitres sont consacrés à la découverte de la bouteille et à l’organisation de l’expédition de sauvetage qui ne prend la mer qu’au début du 5e chapitre. Ce pourrait donc être une sorte de prologue laissant 22 chapitres pour chaque partie explorant une hypothèse de recherche.
Cette théorie me semble confortée par le fait qu’une structure absolument identique se retrouve aussi bien dans
20 000 lieues sous les mers que dans
L’Île mystérieuse, et que d’autres romans de Verne semblent marqués par d’autres recherches architecturales, comme
Mathias Sandorf structuré en 5 parties de 9-8-7-6-5 chapitres. Je m’en tiens là, car peu importent ici les réelles intentions de Verne, l’essentiel étant que ces lectures sont envisageables par tout lecteur attentif. Je les mentionne dans une
étude en ligne depuis deux ans.
Bien plus litigieux est un autre point que j’avais soulevé sur une liste littéraire le 7/6/02. Le périple sur le 37e parallèle aboutit un 7 mars, qui s’écrit à l’anglaise le 3/7. Je n’ai aucune certitude sur l’intention de cette correspondance, je remarque néanmoins que la latitude exacte du lieu recherché est 37° 11’, et que c’est un 3/7 à 11 h du soir que les enfants du capitaine Grant entendent la voix de leur père disparu, alors que leur navire mouille par hasard devant l’île Tabor, de latitude 37° 11’ (et de longitude 153°).
Je reviens à
37e parallèle pour souligner sa parfaite correspondance structurale avec
Cinq petits cochons, que l’auteur n’avait nul besoin de connaître, tant les préoccupations structurales peuvent amener à des résultats voisins. Il n’y avait ainsi aucune obligation que chacune des parties de
37e parallèle ait un nombre de chapitres multiple de 3, bien que ce nombre structure partiellement les deux premières parties. J’ai déjà signalé les 3+3 chapitres de
La bouteille à la mer, répondant exactement aux 5+5 chapitres de la première partie de
Cinq petits cochons, et j’ajoute maintenant que ces subdivisions sont fort proches de ce que j’ai observé pour les premières parties de certains romans de Verne, notamment du
Capitaine Grant, où la première partie serait couplée à un « prologue ».
La seconde partie de
37e parallèle débute par deux séries de chapitres alternant régulièrement les 3 affaires concernées, mais cette régularité disparaît ensuite et ce n’est semble-t-il que « par hasard » que le nombre de chapitres de cette partie, 15, est multiple de 3.
S’il y a 3 parties dans
37e parallèle comme dans le
Capitaine Grant, leurs structures ne sont pas superposables, et
La bouteille à la mer correspond aux 4 chapitres du « prologue » de Grant, les 15 chapitres de
Recherches à la quasi-totalité du roman de Verne, et les 3 chapitres de
L’île Tabor à la fin de la dernière partie de
Grant, où ce dénouement à l’île Tabor occupe d’ailleurs aussi 3 chapitres.
Ces 15+3 chapitres pourraient précisément énoncer le nombre 153, la longitude inconnue du lieu du naufrage du capitaine Grant, le nombre essentiel dont les trois chiffres ont été effacés sur le message trouvé dans la bouteille.
Je ne suis pas sûr du tout que Colette Lovinger-Richard ait pensé à cette combinaison, mais je trouve d’autres éléments qui semblent significatifs. Ainsi j’ai évoqué plus haut le 7 mars de Verne, se lisant le 3/7 à l’anglaise, or il y a deux dates essentielles dans 37e parallèle, le 15/3 et le 15/9.
Les 3 affaires que réétudie le fils du commissaire Fersac sont respectivement :
– L’affaire Oliveira : il y a 13 ans a été assassiné le notaire Antoine Oliveira, un mercredi 15 septembre. Les principaux suspects sont ses enfant Bruno et Madeleine, 17 et 25 ans, qui ont chacun un alibi, mais l’amie de Madeleine se rétracte, Madeleine est condamnée pour le meurtre de son père, et meurt l’année suivante d’un cancer foudroyant. Fersac fils découvre que c’est en fait Bruno qui a tué par accident au cours d’une dispute avec un père tyrannique, et que Madeleine, se sachant condamnée, s’est sacrifiée.
– L’affaire Turpin : il y a 8 ans a été assassinée la femme de Roger Turpin, un samedi 15 mars. Son mari est le seul suspect, il prétend avoir échangé quelques mots avec une automobiliste loin de là à l’heure du crime, mais ce témoin providentiel ne peut être retrouvé. Fersac fils découvre que Turpin avait comploté un faux alibi avec une maîtresse, mais celle-ci est devenue amnésique après un accident malencontreux !
– L’affaire Mermeur : il y a 5 ans a été assassinée une prostituée, à une date non précisée. Je n’ai pas vraiment compris quelle signification cette affaire avait par rapport ni aux deux premières ni à la mort de Fersac, qui n’est pas non plus datée.
Un évident schéma d’inversion apparaît entre les deux premières affaires, un vrai alibi démoli à l’instigation de l’innocente, un faux alibi préparé par le coupable, mais qui ne peut être confirmé. A cette réciprocité s’ajoute le fait que les dates des meurtres, les 15/3 et 15/9, sont des dates exactement opposées sur le cercle de l’année, et ce fait pourrait être souligné par une réelle curiosité qui témoigne au moins d’intentions tortueuses de l’auteur, quelles qu’elles aient été.
La fin du livre montre le fils Fersac reprendre les
Enfants du capitaine Grant qu’il avait abandonnés dans sa jeunesse à la page 818, au moment où les enfants retrouvent leur père. Il est alors donné un long paragraphe en italiques, présenté comme le texte original de Verne, or il n’en est rien. Si le paragraphe résume bien les circonstances des retrouvailles, on y lit « une voûte céleste où luisent des étoiles qui ne brillent que dans l’hémisphère sud », or ni ces mots, ni même cette idée, ne sont présents ni dans ce passage, ni même ailleurs dans le livre de Verne. Cette idée rappelle que tout est différent dans l’hémisphère sud, où notamment le 15/3 correspond à notre 15/9, et réciproquement.
J’ai donc une enquête en 15+3 chapitres, portant sur un meurtre commis le 15/3, et sur un autre le 15/9, opposé au 15/3, mais un autre aspect du 15/9 mérite attention, car c’est l’anniversaire d’Agatha Christie, née le 15 septembre 1892. J’avais déjà remarqué à ma première lecture de
Cinq petits cochons que le meurtre y était commis un 18 septembre ; il est rarement indifférent qu’un auteur fasse apparaître une date anniversaire, mais peut-on appliquer ce principe aux dates avoisinantes ? En l’occurrence ce 18 serait alors un 15+3… Je n’imagine évidemment pas un quelconque rapport avec la longitude de l’île Tabor, mais je remarque une coïncidence complémentaire :
Cinq petits cochons se passe à Alderbury, « cité de l’aulne », or le « verne » est un autre nom de l’aulne.
Dans
Cinq petits cochons, une femme s’est laissée condamner pour le meurtre de son mari, un 18/9 il y a 12 ans, parce qu’elle pensait que sa petite sœur était coupable.
Dans l’affaire Oliveira, Madeleine a conduit les enquêteurs à l’accuser du meurtre de son père, un 15/9 il y a 13 ans, pour sauver son petit frère effectivement coupable.
Toutes deux sont mortes en prison.
L’affaire Oliveira occupe 8 des 15 chapitres de
Recherches. Seuls 3 chapitres sont consacrés à l’affaire Turpin, au nom pouvant évoquer les seuls démêlés de Verne avec la Justice (Eugène Turpin lui a intenté un procès en 1896, s’étant reconnu dans le personnage du savant fou Thomas Roch de Face au drapeau), mais elle a immensément plus de chances de faire penser le lecteur d’aujourd’hui à la récente affaire Turquin : le docteur Turquin est en prison depuis de longues années pour le meurtre de son fils, alors qu’il n’existe aucune preuve ni de la mort du fils, ni de l’implication du père dans sa disparition.
Ce père qui aurait tué son fils (selon la Justice) illustrerait encore la réciprocité des affaires Oliveira-Turpin, et c’est bien l’affaire Oliveira qui semble receler la clé de la mort de Fersac. Le fils Fersac découvre dans
L’île Tabor que son père était arrivé aux mêmes résultats que lui pour ces trois affaires qu’il prétendait litigieuses, et qu’il n’avait incité son fils à enquêter que pour l’amener à constater que lui, Fersac, avait fait les bons choix en ne divulguant pas certains aspects de ces affaires.
C’est l’autre fils Fersac qui a tué son père, au cours d’une confrontation analogue à celle qui a opposé le tyrannique Oliveira à son fils, mais ici le diabolique Fersac a délibérément prémédité son propre assassinat pour punir ses deux fils, l’aîné pour l’accabler du remords de son acte, le cadet pour l’obliger à trahir son credo envers la Vérité, pour couvrir son frère, comme Madeleine Oliveira a renoncé à son honneur pour sauver son propre frère.
La clé de
37e parallèle réside donc entre les deux frères Fersac, et je constate que la moyenne de leurs âges est de 37 ans. Je ne sais si c’est voulu, pas plus que la moyenne des âges des enfants Oliveira lors du drame, 21 ans (3 x 7).
Voilà donc ce qu’il en est des commentaires raisonnables sur
37e parallèle, encore que je n’imagine guère que l’auteur ait été conscient de toutes ces possibilités.
J’imagine encore moins que madame Lovinger-Richard ait situé les trois affaires Mermeur-Turpin-Oliveira 5, 8, et 13 ans avant la mort de Fersac parce que ces nombres appartiennent à la suite de Fibonacci, et pas une seule seconde qu’elle ait eu idée de l’importance que ces trois nombres prendraient pour moi, parce que leurs chiffres peuvent se réarranger en 51,83, l’angle d’or.
J’ai découvert ce roman plus de deux ans après sa parution, alors que la connaissance de son seul titre m’aurait été suffisante pour l’acheter immédiatement, alors qu’il m’arrive de sortir de mon trou et de regarder attentivement les rayons polar des grandes librairies. Quelques mois plus tôt cette série 5-8-13 ne m’aurait pas particulièrement frappé.
C’est un 27 juin que j’ai découvert et lu ce roman, or l’énigme du lieu du naufrage du capitaine Grant est liée au jour du naufrage de son navire, le 7, 17 ou 27 juin, ce qui oriente les trois hypothèses de recherche des secouristes. La bonne solution était le 27 juin.
La veille de ce 27 juin, j’avais trouvé en cherchant tout autre chose un livre que j’avais cherché l’an dernier dans le fouillis qui me tient lieu de bibliothèque,
Jugé coupable de Andrew Klavan. Le 4 novembre 2004, j’avais regardé à la TV l’adaptation réalisée par Clint Eastwood de ce roman lu jadis, et que je n’étais pas sûr d’avoir. Un journaliste venu interviewer un condamné à mort le jour de son exécution a des doutes sur sa culpabilité, et doit découvrir in extremis un élément nouveau pour le sauver. Banal, mais mon attention avait été attirée par une orthographe du nom de ce faux coupable donnée par un graffiti, BEACHUM, nom composé de toutes les lettres dont les rangs correspondent aux nombres de Fibonacci, 1-2-3-5-8-13-21, ABCEHMU.
Mon programme TéléZ donnait le nom Frank Beechum, de même un autre journal, de même le Dictionnaire des films de Tulard… Je me suis demandé quelle était l’orthographe donnée dans le livre, mais je ne l’ai pas retrouvé alors.
Je n’y accordais qu’une importance fort secondaire, aussi je n’ai pas consacré plus de temps à la question, néanmoins dès la réapparition du livre ce 26/6/5 j’ai aussitôt regardé le nom de l’homme, Beachum, l’orthographe fibonaccienne idéale.
Cette petite question était donc résolue, mais le lendemain, la conjoncture de la série fibonacienne 5-8-13 de
37e parallèle lui donnait plus d’importance, d’autant que l’affaire Oliveira, la clé du roman, se passait avenue Henri-Martin, aux initiales H-M (8-13) déjà repérées dans une aventure d’Arsène Lupin (contre Herlock Sholmès) ; Boileau-Narcejac ont écrit un pastiche de Lupin intitulé
L’affaire Oliveira.
J’ai donc relu
Jugé coupable, en accordant d’abord une certaine attention à sa structure, en 10 parties et 47 chapitres. Les sections d’or entières de ces nombres sont idéalement 6 et 29, et les 6 premières parties du roman totalisent effectivement 29 chapitres. A ce point correspond un climax important : c’est à la fin de cette 6e partie,
L’autre type, ou du 29e chapitre, que l’enquêteur apprend le nom du vrai meurtrier, Warren Russel, de race noire.
Il y a une importante différence entre le roman et son adaptation. Dans le roman Beachum est blanc, et son cas est exemplaire car il est censé démontrer que l’état du Missouri traite un criminel blanc de la même manière qu’un noir, aussi faudra-t-il un motif indiscutable pour décider le gouverneur à surseoir à l’exécution.
Clint Eastwood a fait de Beachum un noir également. Il serait amusant que le Frank blanc soit Beachum et le Frank noir Beechum, car aux lettres litigieuses, A et E, correspondent selon Rimbaud les couleurs noir et blanc. Si de nombreuses références orthographient Beechum le nom du personnage du film, je ne dispose d’aucun élément démontrant formellement que c’est cette orthographe qui a été choisie dans la version originale du film ; peu importe en fait, puisque c’est d’abord l’existence avérée du dilemme qui souligne l’orthographe Beachum du roman, à la structure parfaitement fibonaccienne pouvant être mise en rapport avec la structure même du roman.
Rien dans
Jugé coupable ne semble concerner explicitement le nombre d’or ou les nombres de Fibonacci, mais un nombre est souligné par le titre de la dernière partie du roman,
97 secondes trop tard.
L’exécution de Beachum a été fixée au 18 juillet, et est censée se dérouler selon un cérémonial bien rôdé : le condamné est prêt à recevoir l’injection mortelle, à 0 heure un représentant du gouverneur appelle le directeur de la prison pour lui annoncer qu’aucune mesure de grâce n’a été accordée, et le directeur doit donner le signal du départ du processus létal irréversible à 0 heure 1 minute. L’appel est donné à 0 heure mais, incompréhensiblement, le directeur ne donne pas le signal à 0 heure 1 minute ; la grande aiguille de l’horloge murale fait un tour complet, puis en entame un autre… Ce n’est qu’à 0 heure 2 minutes 37 secondes que le directeur se ressaisit, au moment précis où le téléphone sonne à nouveau, c’est le gouverneur qui ordonne de tout arrêter.
Eastwood a augmenté la tension dramatique de l’épisode en laissant le signal du directeur être immédiatement obéi, et le poison se précipiter vers les veines du condamné. Klavan n’avait pas besoin de ce rebondissement, car son titre 97 secondes trop tard induisait le lecteur à penser que la décision de surseoir à l’exécution serait prise trop tard, ce qui est d’ailleurs bien le cas, mais c’est une belle trouvaille que ce retard concerne aussi le directeur (Le titre original du livre,
True crime, permet également plusieurs lectures).
Aucune réelle explication n’étant donnée de ce retard, le lecteur est orienté vers la providence divine… Du moins la divine proportion est-elle bien présente, car les 157 premières secondes de ce 18 juillet se répartissent en 60 secondes du délai prévu et 97 secondes du providentiel retard. Ces nombres sont en rapport d’or idéal (60/97 = 0.618…), mais une relation hautement improbable apparaît entre les harmonies d’or envisagées.
Les nombres entiers offrant un rapport d’or idéal appartiennent à des suites de type Fibonacci, suites additives dont chaque terme est la somme des deux termes précédents. Deux termes consécutifs suffisent à définir une suite de ce type, généralement identifiée par ses deux premiers termes. La plus simple de ces suites est la suite de Fibonacci proprement dite, dont les deux premiers termes sont 1 et 1. Ensuite viendrait la suite débutant par 1 et 2, mais c’est encore la suite de Fibonacci, décalée d’un rang (car 1+1 = 2). En laissant de côté la suite débutant par 2 et 2 qui serait la suite de Fibonacci doublée, les trois premières suites, dont les termes de même rang sont les nombres les plus petits, sont celles débutant par 1-1, 1-3, et 1-4, dont voici les premiers termes :
1 1 2 3 5 8 13 21 34 55…
1 3 4 7 11 18 29 47 76 123…
1 4 5 9 14 23 37 60 97 157 …
L’extraordinaire est donc que les relations rencontrées mettent en jeu des nombres de ces trois séries :
– La série 1-1 avec les lettres de BEACHUM (2-5-1-3-8-21-13).
– La série 1-3 avec les nombres de chapitres ou sections (47 répartis en 29+18 par la découverte de l’autre type).
– La série 1-4 avec les 60+97 secondes du climax final du chapitre 47 dont le premier mot est « Minuit » et dont la dernière seconde (de 0 h 2’ 37’’ à 0 h 2’ 38’’) s’éternise sur trois pages (et il est à souligner que le texte même insiste sur le découpage de ces 97 secondes en un tour complet de cadran, soit 60 secondes, et en 37 secondes supplémentaires).
– Je remarque que ce jour correspondant au chapitre 47 est le 18 juillet, ou 18/7 (7/18 aux USA), s’exprimant par deux nombres de la série 1-3. Par ailleurs le jour à reconstituer pour l’enquêteur est celui du crime, le 4 juillet 6 ans plus tôt, le 4/7 ou 7/4, encore deux nombres de la série 1-3.
– Enfin je rappelle qu’au découpage des 47 chapitres en 29+18 correspond le découpage des 10 parties en 6+4. Ces derniers petits nombres ne seraient guère significatifs en général, mais dans ce cas particulier il se trouve qu’ils appartiennent à l’autre suite envisagée, 2-2-4-6-10 …, ainsi les quatre plus petites séries additives sont bel et bien toutes clairement discernables (mais je répète que ces nombres 4-6-10 sont peu significatifs), et dans chaque cas pour plusieurs motifs, alors que je ne vois pas quelles autres relations numériques pourraient être invoquées, tant les nombres sont discrets dans ce livre, à part le 97 final.
Je n’imagine donc pas que ces harmonies puissent être intentionnelles, mais du moins apparaissent-elles au sein d’un même roman. La question de l’intentionnalité ne se pose pas pour les résonances entre mes lectures quasi simultanées de
37e parallèle et de
Jugé coupable, romans qui n’ont a priori aucune source d’inspiration commune. J’ai évoqué les nombres de Fibonacci 5-8-13 qui m’ont frappé dans les deux livres, en rapport avec le motif 51-83 qui m’obsédait depuis des mois, mais il y a encore cette résonance immédiate pour moi entre
37e parallèle et
97 secondes trop tard, titre de la dernière partie de
Jugé coupable.
J’essaie d’expliquer ailleurs comment 51-83 et 37-97 correspondent à des valeurs de couples prénom-nom que j’ai forgées jadis à partir des lettres ARSENE LUPIN, Irène Lapnus et Inn Alpurèse, sans penser au nombre d’or qui ne me préoccupait guère alors. Le second nom résultait cependant du souci numérologique de faire coïncider cette combinaison avec les valeurs 37-97 des mots DIX-MILLIARDS correspondant à la fortune de Lupin dans le dernier roman de Leblanc. C’est donc une curiosité de trouver ces
97 secondes trop tard, titre d’une DIXième partie dans laquelle le nombre 37 apparaît effectivement. L’affaire Oliveira de
37e parallèle m’évoquait Arsène Lupin à cause du pastiche de Boileau-Narcejac, et à cause de l’avenue Henri-Martin, car un épisode des aventures d’Arsène lui fait avoir été l’architecte du 134 avenue Henri-Martin ; c’est une des trois occurrences explicites du nombre 134 chez Leblanc, valeur d’ARSENE LUPIN.
Parmi les coïncidences irréductibles il y a encore le fait que le film
Jugé coupable a été diffusé le 4 novembre (04), ou 4/11, avec 4 et 11 termes de la suite 1-3-4, alors que l’architecture du livre permet une relation d’or utilisant les nombres de cette suite (47 = 29+18 chapitres) et que les deux dates importantes du livre sont le 4/7 et le 18/7, formées de nombres de cette suite. Je ne sais plus si le film mentionne des dates, mais il est probable qu’il ait conservé le 4 juillet, Fête nationale US commémorant la Déclaration d’Indépendance du 4 juillet 1776 que je suis tenté d’écrire 4/7/76, faisant apparaître la séquence 47-76 qui m’est particulièrement significative et qui m’évoque d’abord PEREC-GEORGES = 47-76, et notamment ses
Alphabets, écrits de 74 à 76 (avec 1974 = 47 x 42 et 1976 = 76 x 26), dont je devais découvrir les fabuleuses harmonies dorées 29 ans après cette date idéale de publication en 1976 (29 toujours dans la suite 1-3-4 … 29-47-76), grâce au remue-méninges de l’exploration des pistes 51-83 et 37-97.
Jugé coupable m’a permis de remarquer que cette année 1976 était le bicentenaire de la Déclaration d’Indépendance, or j’avais remarqué que le motif 7-4 était présent dans la première série de 11 poèmes composée par Perec début 74, alors qu’il ne songeait vraisemblablement nullement à prolonger cet exercice jusqu’à épuisement de l’alphabet. Il n’y a encore ici rien à déduire, je me borne à constater les résonances thématiques et temporelles entre mes diverses découvertes dans des domaines n’ayant a priori rien de commun.
Un petit truc encore sur
Jugé coupable. Le crime est en partie accidentel, provoqué par l’envie du jeune Russel de s’emparer du pendentif en or d’Amy Robertson, marqué de ses initiales AR, pour l’offrir à sa mère Angela Russel aux mêmes initiales.
Robertson est un nom qui se scinde le plus directement en ROBERT et SON, or ces mots ont pour valeurs 78 et 48, en rapport d’or idéal.
Russel se scinde en deux syllabes RUS et SEL, or ces syllabes ont pour valeurs 58 et 36, en rapport d’or idéal.
Les rapports 48/78 et 36/58 se simplifient en 8/13 et 18/29, soit des termes de mêmes rangs des suites 1-1 et 1-3 vues plus haut.
Le fils (
son) du capitaine Harry Grant s’appelle Robert.
Enfin, je ne suis guère partisan des calculs de probabilité qui n’ont une réelle pertinence que dans des conditions qui doivent être bien précisées, et ce pourrait être le cas de la coïncidence BEACHUM, mot composé des seules 7 lettres de l’alphabet dont le rang est un nombre de Fibonacci.
La probabilité d’effectuer un tirage de 7 éléments donnés, dans un ordre quelconque, parmi 26, est parfaitement déterminée, elle est d’une chance parmi 657 800. A ce tirage correspondent 5040 combinaisons ordonnées parmi lesquelles fort peu formeront un mot prononçable en anglais.
Ce calcul n’a pas d’autre prétention que de donner un ordre de grandeur à la coïncidence BEACHUM.
37e parallèle a été publié chez Viviane Hamy, dont l’auteur phare est Fred Vargas.
Son roman de 2006,
Dans les bois éternels, contient des bizarreries dorées en rapport avec celles que je viens d’étudier, faisant intervenir les mêmes suites 1 1 2 3 et 1 4 5 9.
Au plus bref, le roman est basé sur trois faits survenus dans le passé du commissaire Adamsberg :
– 34 ans auparavant, âgé de 13 ans, il est suspecté d’avoir fait partie d’une bande de 5 gamins ayant sauvagement agressé un enfant de 8 ans. 5, 8, 13 et 34 sont des nombres de Fibonacci, ainsi que 21 et 89 ; Adamsberg et Veyrenc avaient alors ensemble 8+13 = 21 ans, 34 ans plus tard ils ont 42+47 = 89 ans.
– 23 ans auparavant, Adamsberg a participé à une enquête avec la légiste Ariane Lagarde qui a maintenant 60 ans, âge crucial dans l’intrigue. Elle avait alors 37 ans, et 23-37-60 appartiennent à la suite d’or 1 4 5 9… qui se poursuit par les 97 secondes de
Jugé coupable.
– Un lecteur chevronné se soucie peu de la troisième affaire, une redoutable tueuse de 73 ans lors de son arrestation 2 ans plus tôt par Adamsberg, évadée et présentée comme évidente suspecte des meurtres actuels. Je ne comptais pas en parler avant de calculer qu’il aurait eu alors 45 ans, soit la section d’or de 73, des nombres de la suite d’or qui suit la précédente, 1 5 6 11…
Voilà. Je n’invente rien. Les deux fausses pistes du roman désignent des suspects dont l’âge était au moment des incidents en rapport d’or avec celui d’Adamsberg. La vraie coupable Ariane passe à l’acte sans se soucier de l’âge du commissaire qui l’a humiliée à la section d’or de sa vie, à moins que... Si les âges 8, 13, 37, 60, 73, 75 ans et les périodes de 2, 23 et 34 ans sont précisées explicitement, les incidents ne sont pas datés plus précisément et les dates de naissance des personnages ne sont pas données, ainsi il est possible que Adamsberg ait eu 23 ans légaux lors de sa rencontre avec Ariane âgée de 37 ans…
Je n’insiste pas parce qu’il me semble que, si Vargas avait fait ces calculs, la moindre des choses aurait été de donner quelques précisions levant les incertitudes. Je me borne donc à constater ces possibilités de lecture numérique, ainsi que leurs résonances avec les trois affaires de
37e parallèle.
Il pourrait y avoir aussi des échos littéraires, ainsi l’affaire Oliveira avenue Henri-Martin m’évoquait doublement Arsène Lupin ; il apparaît chez Vargas une folle nommée Hermance, le rare prénom de la folle homicide des
Huit coups de l’horloge, obsédée par la lettre H et par le nombre 8. « Hermance s’endort à vingt-deux heures comme une horloge », écrit Vargas page 178. J’ai émis jadis l’hypothèse de constructions par Leblanc autour des lettres H-V et des nombres 8-22, les deux seuls cardinaux débutant par la lettre ordinale correspondante, aussi je trouve fabuleux de trouver chez Viviane Hamy un roman de Vargas montrant une Hermance se couchant à 22 heures ; par ailleurs sa criminelle non moins folle sera convaincue de 8 meurtres.
Il n’est pas impossible que Vargas ait donné les âges de 8 et 13 ans pour faire allusion à 813, l’association des amis de la littérature policière dont elle est membre (et son roman a d’ailleurs obtenu le Trophée 813 du meilleur roman français en 2006). L’association a emprunté son nom au roman homonyme de Maurice Leblanc, où l’énigmatique « 813 » est lié au secret d’une autre horloge.
Ce qui suivait dans cette page publiée d'abord en 2005 a depuis été démenti car, malgré quelques contradictions,
Dans les bois éternels se passe plutôt en 2004 qu'en 2005, ce qui offre d'autres perspectives remarquables étudiées
ici, mais voici donc mes considérations de 2005.
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Cette piste 813 peut mener à une autre fantastique coïncidence, qui n’a aucune chance de se révéler intentionnelle, dans son aspect 813 du moins.
2005 a été la première année depuis 1932 où le jour traditionnel de l'Annonciation, le 25 mars, a coïncidé avec le Vendredi saint (mais selon des dispositions particulières propres au catholicisme romain, récusées par les traditionalistes, l'Annonciation a été déplacée en 2005 au 4 avril).
En avril 2005 s’est marié à l’église un ami oulipien, et il m’est venu d’utiliser ce fait pour ma contribution à l’hommage organisé par la liste Oulipo. J’admire les poèmes figurés de Raban Maur, en latin, et j’avais depuis longtemps envie d’en tenter une imitation en français. L’une des figures de Raban Maur est un poème de 35 vers de 35 lettres dans lequel il a inscrit 4 croix de 69 lettres, porteuses de vers indépendants, dont les 276 lettres font allusion aux 276 jours passés par Jésus dans le ventre de Marie, du 25 mars de l’Annonciation au 25 décembre.
33 alexandrins de 33 lettres me semblaient mieux convenir en français, et le carré de 33x33 se répartissait en 276 lettres pour les croix et 813 pour le reste, ce qui m’enchanta, surtout lorsque je découvris ensuite que :
– une date envisagée pour la composition du recueil de Raban Maur était l'an 813 ;
– en l'an 813 l'Annonciation tombait également un Vendredi saint.
J’ai
mis en ligne ce poème après le mariage, en mai 2005, un an avant la parution de
Dans les bois éternels, mais je suppose que Vargas était alors déjà bien avancée dans l’écriture de son roman biennal.
Le millésime où se passe
Dans les bois éternels n’est pas donné, mais l’action colle de très près à l’actualité, et si l’on prend pour argent comptant la seule date où le jour est précisé, le lundi 4 avril (page 278), l’année ne peut logiquement être que 2005 (un autre détail est « 69 ans après la guerre d'Espagne »).
Le 4 avril 2005 était le jour de l’Annonciation catholique, remarquable puisque c’est sans doute la première fois que cette fête n’a pas eu lieu le 25 mars, fête commémorant la visite de l’archange à la Vierge… Or il est question de vierges dans le roman de Vargas, de vierges d’un coin de l’Eure menacées par un tueur, et c’est ce 4 avril qu’est établie une liste de 29 vierges susceptibles de correspondre à ses désirs.
Cinq dates seulement sont mentionnées dans le roman, et l’une d’elles est précisément le 25 mars (page 265) où se tient le « Concile » consacré à l'Affaire. Ce Concile est dit être le terme employé dans l’équipe d’Adamsberg pour une réunion de mise au point, mais je crois que c’est la première fois qu’il apparaît dans la série des enquêtes du commissaire.
C’est ce 25 mars, jour normal de l’Annonciation donc, qu’Adamsberg émet l’hypothèse que la virginité des victimes serait un critère de choix essentiel pour le tueur.
Si nous sommes en 2005, ce 25 mars est aussi le Vendredi saint, commémorant la crucifixion du Christ, et ce 25 mars est aussi émise l’hypothèse que « la croix qui vit dans le bois éternel », selon le grimoire soumis à la sagacité des enquêteurs, serait une relique de la Croix du Christ…
Les autres dates pourraient ne pas être purement anecdotiques :
– le 21 mars (page 71) est donné explicitement parce qu'il s'agit du début du printemps, honoré par Adamsberg ;
– les 3 et 6 mai (pages 379 et 412) permettent de déduire que l'assassin a été arrêté le 5 mai, qui était en 2005 le jeudi de l'Ascension…
Il faudrait encore examiner l’étrange incident du lieutenant Noël (= Jésus ?), complication peut-être superflue dans ce roman déjà touffu, en rappelant que le prénom d’Adamsberg est Jean-Baptiste, mais il y a déjà suffisamment de questions posées par les faits précédents pour éviter de se perdre dans des considérations secondaires, surtout que quelques mots de Vargas suffiraient pour confirmer (ou infirmer) que son roman a quelque chose à voir avec la particularité de l’Annonciation en 2005.
Quoi qu’il en ait été de ses intentions, il me paraît tout à fait impossible qu’elle ait été jusqu’à faire le lien avec la même particularité en l’an 813, à moins qu’elle n’ait connu mes considérations sur la question accompagnant le poème mentionné plus haut.
Néanmoins la Vierge choisie par le tueur semble bien donner lieu à un jeu en rapport avec 813, l’association du moins, un de ses traits essentiels étant de se distraire en regardant chaque soir deux cassettes choisies parmi les 812 films de sa collection (pages 286-7). Il est difficile de croire que ce nombre soit apparu par hasard sous la plume d’un membre de 813 (l’association ne peut avoir par statut que 812 membres actifs, car son numéro 1 reste acquis à son fondateur décédé Michel Lebrun).