mardi 18 février 2020

Hasard et RLCcité


  Maurice Leblanc a logé un certain Essarès rue Raynouard dans Le triangle d’or, DONC Leblanc était initié aux secrets du Razès et de Rennes-le-Château (RLC).
  Jules Verne a fait se côtoyer un capitaine Bugarach et l’archiduc Jean Orth dans Clovis Dardentor, DONC Verne savait que l’or des rejetons ardents mérovingiens était caché du côté de Bugarach, vers RLC, qu’aurait visité Jean Orth.

  Georges Perec a imaginé l’immeuble de La vie mode d’emploi comme un ensemble de 100 cases qu’il parcourt selon la polygraphie du cavalier, à partir de la case 6,6, DONC Perec connaissait tout des codages du Grand Parchemin, l’une des pièces essentielles du dossier RLC.

  Si les auteurs qui ont exploré ces pistes ont d’autres arguments, souvent troublants, il est difficile de voir en Leblanc ou Verne des ésotéristes patentés, et ça tourne au grotesque quand il s’agit de Perec. La vérité serait-elle ailleurs ?
  Je crois avoir décelé un étrange phénomène dans la fiction, générateur des plus improbables coïncidences, défiant la raison. Probablement parce que mon esprit reste aveuglé par cette rationalité, il m’a fallu près de 10 ans pour franchir un pas qui relie à RLC le cas que je cite le plus volontiers.

  Ce cas est emblématique parce qu’il concerne deux œuvres largement diffusées, et que la coïncidence principale ne peut être intentionnelle. Il s’agit du film Pi de Darren Aronofsky (1998) et du roman La maison des feuilles de Mark Danielewski (2000). A la fin de celui-ci une annexe présente 4 documents, dessins et photos, numérotés 175079, 001280, 046665, et 081512. Seul le dernier nombre a été élucidé, il doit se comprendre 08-15-12, rangs des lettres H-O-L, acronyme du titre original, House of Leaves.

  Dans Pi, une fillette pose 4 opérations arithmétiques au génie mathématique Max Cohen. Le film s’achève sur son impossibilité de résoudre la dernière, 748/238. Qui effectuerait le calcul trouverait 3,14…, soit Pi, le titre du film. L’opération précédente est 255 fois 183, dont le résultat est 46665.


  Comme Pi est antérieur à HOL, le bon sens commanderait que Mark ait emprunté 46665 à Darren, mais il se trouve qu’il s’agit du numéro de sa boîte postale, qu’il n’a pu choisir (j’imagine qu’il l’a utilisé ici parce que le document 46665 consiste en deux enveloppes surchargées de gribouillages divers). Ces gribouillages évoquent plus ou moins cryptiquement le nombre d’or et le temple de Jérusalem, deux éléments présents dans Pi (qui est peut-être le seul film dont le format est un rectangle d’or).
  Alors non seulement on trouve le même nombre de 5 chiffres, 46665, dans les deux œuvres, mais il est dans les deux cas le troisième d’un ensemble de 4 nombres dont le dernier est une allusion cachée au titre de l’œuvre. Je ne connais aucune autre œuvre de ce type, et personne ne m’en a signalé alors que j’ai publié mes travaux sur la question à diverses reprises depuis 2007.


  Car il y a de nombreux à-côtés, tant ces œuvres sont touffues. Un écho extérieur est la présence du nombre 66654 dans le roman Apocalypse (2009), où le duo Giacometti-Ravenne emmène le commissaire Marcas enquêter à RLC. En grattant une couche de peinture du livre à côté de Marie-Madeleine sur un bas-relief de l’église de RLC, Marcas découvre une inscription d’origine, Maria Nigra 66654. Marcas se reporte à la stèle de Marie de Nègre, autre pièce majeure de l’affaire RLC, pour décoder le mot NIGLA obtenu par des sauts de lettres 6-6-6-5-4. Nigla signifie « apocalypse » en hébreu.
  J’ai commenté ceci parce que 66654 est formé des mêmes chiffres que 46665 et qu’il y a certains échos entre HOL et RLC, la formule Terribilis est locus iste par exemple, mais il m’a fallu près de 10 ans pour pleinement réaliser que Apocalypse est précisément le titre du roman !

  Ce n’est pas tout à fait le même cas de figure, puisque dans Pi et HOL un nombre final mène implicitement un lecteur perspicace au titre du livre, alors qu’ici la résolution de l’énigme 66654 est explicite, mais il est tout de même vertigineux que 66654 soit une permutation immédiate du nombre 46665 intimement lié aux nombres significatifs de Pi et HOL.

  Je peux aisément imaginer qu'il existe d'autres oeuvres dont le titre résulte de la résolution d'une énigme, numérique ou non, explicitée ou non. Je ne pense à l'instant qu'à mon roman Novel Roman, dont le titre répond aux jeux numériques et alphabétiques multipliés dans l'intrigue.
  Il y a aussi ma nouvelle L'enchanté réseau, anagramme de Rennes-le-Château.


  J'ai de nombreux articles sur les "Ski-Sky", le dernier sur Blogruz étant ici, le dernier sur Quaternité étant . L'article suivant étudie d'autres aspects dorés du document 46665.
  La première approche d'Apocalypse est ici; j'y parle aussi du roman suivant de Giacometti-Ravenne, Lux Tenebrae, concernant le temple de Jérusalem.
  Que Giacometti-Ravenne aient transformé Marie de Nègre en Maria Nigra, peut-être pour l'homologie avec nigla, me rappelle que j'ai étudié ici une autre coïncidence de nombre. Dans La Jangada de Jules Verne, un innocent doit être exécuté un 31 août à 9 h. La confession du vrai coupable est contenue dans un message codé décrypté au dernier moment. C'est ce même code qui est utilisé pour parvenir au fameux message Bergère pas de tentation..., anagramme du texte de la stèle de Marie de Nègre, et qui a été employé par Ricardo Viñes, proche de Debussy, pour les passages intimes de son journal. La clé qu'il avait choisie était le nom de son aimée,
MARIA = (1)3-1-(1)8-9-1, fournissant le chiffre 31891, étonnant écho au 31/8, 9 heures de Verne. Dans le roman Sépulchre, Kate Mosse relie Debussy à l'affaire RLC, et fait figurer la date du 31 octobre 1891 sous la forme 31/VIII/91.
  J'ai étudié dans cet article et le suivant les éventuels échos entre Perec et RLC.